L’histoire orale d’In Gall est diversement relatée selon les personnes qui la présente et leurs origines. Entre des récits rapportant que les Isawaghen sont les descendants d’Askia Mohamed, que la fondation d'In Gall échoie à des Isheriffen ou les relatons étroites avec Takedda et Tegidda n'Tessoumt, les données archéologiques viennent compléter ces traditions orales pour aboutir à une structuration des Kel In Gall qui ressemble fort à celle des confédérations Touareg malgré leur sédentarité, c'est à dire un agencement de divers groupes humains au grès des vissicitudes de l'histoire. On peut alors parler de Kel In Gall.
Les Isawaghen
Aujourd'hui, l'ensemble des habitants autochtones d’In Gall se reconnaissent sous le vocable d'Isawaghen. Ils ont les même descendants, parlent la même langue et ont la même culture. Leur nom viendrait de "Asawagh" qui veux dire en Tamacheq "qui protège". Pour les Touareg tout celui qui arrive à Ingall est protégé.
La communauté Isawaghen est composée de 4 groupes, aujourd'hui fortement imbriqués du fait des mariages et difficiles à distinguer. Les différents écrits et recherches sur In Gall ne mentionnent jamais le groupe Inemegrawen qui nous est rapporté par les Inussufan, a priori remplacés par Isawaghen, terme qui désigne un groupe mais aussi l'ensemble de la communauté. L'ensemble de ces 4 groupes formant la communauté des Isawaghen, ou Kel In Gall.
Kel In Gall | relevé personnel | autres relevés |
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Isherifen |
ce sont des Igdalen clairs, qui habitent près de Takachi (ancien marché) |
ce sont les fondateurs de la ville et tenant du pouvoir politique, ils amenèrent la célèbre variété de datte Almadeina. |
Imesdraghen | ils ont une parenté avec les gens de la brousse, ils habitent le quartier Attaram | lors de la destruction d'Azelik-Takkeda, ils récupèrent le turban de la chefferie, au détriment des Inussufan qui le possèdaient avant, ils vivaient à Tadragh près de Takedda, et avaient une vie sans doute plus nomade que sédentaire. Ils seraient venus de Fez au Maroc. |
Inussufan |
sont venus à In Gall par la piste des pierres, ce sont des musulmans qui prônent la paix, qui habitent le quartier de Agafaye |
seraient les véritables descendants des Massufa, également présents à Agadez au moins jusqu'au 16è siècle, venus par l'ouest de Tademekka et serait les fondateurs de Takedda et détenteurs de la chefferie. |
Inemegrawen | qui viennent de la brousse, habitent le quartier Agazir Béré, ce sont des éleveurs | une tribu Inamagrawan existe entre In Aggar et Tamaya, elle serait de composition récente(1), ce sont des tributaires des Kel Nan. Le terme d'inamagrawan implique une composition disparate, car il vient du nom verbal anmegraou "fait de se trouver réciproquement l'un l'autre"(2). Ainsi les autres composantes Isawaghen auraient pu agréger d'autres familles/tribus dispersées sans attache. |
La fondation de la ville
Les fondateurs de la ville seraient des Isheriffen venus de La Mecque avec des rejets de dattiers. Tout au long de leur voyage, ils creusent un trou puis remettent la terre et à chaque fois la terre remplie le trou. Lorsqu'ils arrivent près d'In Gall la terre retirée remplie le trou et il en reste. C'est pour eux le signe que c'est une bonne terre pour les dattiers, 'inguéné' (= c'est ici) qui serait l'étymologie d'In Gall. Ce terme est d'origine Songhay, il apparaît donc assez peu probable que ce soit les Isheriffen qui en usent pour nommer cette place en y délimitant la première mosquée. Selon les sources, les isheriffens furent ou non accompagnés d'esclaves qui pourraient être les ancêtres des Isawaghen, il est là aussi assez peu probable qu'ils finirent par accepter de faire par la suite des mariages entre eux du fait de cette condition servile.
Selon les informateurs les noms des 2 Chérifs varient également Aghallum et Almazgou ou Kalbi et Nazibou. L'on peut donc établir un lien simple entre cette tradition orale et le groupe des Isheriffen actuel d'In Gall. On notera néanmoins que dans l'Ighazer les Igdalen, qui sont installés depuis plusieurs siècle, sont aussi des Isheriffen, et même si on a pas encore établi de lien direct entre ces groupes, une scission au sein des Isheriffen Igdalen n'est pas non plus impossible. Les Isheriffen revendiquent une parenté avec les Isheriffen fondateur d'Agadez mais aussi avec les Igdalen considérés comme des Isheriffens car pieux musulmans et également avec des Inusuffan pour certains. L'on sait aussi que Askia Mohamed mais aussi tous les roi du Mali avant lui ramenèrent aussi de leur pélerinage nombre de Chérif pour apporter la parole divine dans leur royaume.
Les Isheriffen achetèrent cette terre au Sultan d'Agadez pour être certains que dans cette contrée de nomades personne ne la leur reprenne, le poids en or de cet achat variant d'un récit à l'autre, de fait ils se mettaient sous la protection du Sultan. Ils furent ainsi les premiers qui s'installèrent et tracèrent la première mosquée. C’est la création de cette mosquée qui, plus tard, a permis aux Isherifen et aux Imesdraghen de conclure un accord selon lequel le chef de village est nommé parmi les Isherifen et l’Imam parmi les Imesdraghen. Cela est respecté jusqu’à ce jour. Les Isheriffen amenèrent la variété de datte célèbre dans tout le Niger, Almadeina (venue de Médine) et fierté locale qui avec le sel allait devenir le revenu principalement de ces populations.
La naissance des "Kel In Gall"
A la destruction d'Azelik-Takkeda, les habitants Inussufan et Imesdraghen en particulier, ainsi chassés se réfugièrent-ils, vers Tegidda n'Tessoumt ou une partie d'entre eux exploités les salines, puis vers Tebangat à une vingtaine de kilomètres d'In Gall occupée par les Isheriffen autour de quelques jardins à dattiers. La proximité des sites fit que les populations se rencontrèrent et rapidement les Inussufan et les Imesdraghen élurent domicile à In Gall, avec les Isherifen pour former les Kel In Gall. Les Inemegrawen éleveurs habitants de la brousse les joignirent, mais il est difficile de savoir quand exactement. Il peut en effet s'agir de populations songhay relictuelles présentes de longue date dans la zone, ou ce peut être aussi un groupe laissé par l'Askia lors de ses passages en Ighazer.
Askia Mohamed aurait selon la tradition orale abandonné une partie de ses gens fatigués, à In Gall en allant en pélerinage à la Mecque vers 1497. Certains parlent de 18 personnes d’autres d'une trentaine. Ces gens semble t-il sont des enfants et des vieilles ; c’est pourquoi après le décès des plus vieux les enfants ne savent pas trop leur origine, ils ne connaissent qu'Askia Mohamed. De retour de la Mecque, Askia se trompe de chemin et ne retrouve plus ses sujets. Askia Mohamed a fait deux autres passages en Ighazer afin de soumettre la ville d'Agadez, en 1500 tout d'abord, puis en 1517 ou il séjourna presqu'une année aux abords de la capitale de l'Aïr. L'armée d'Askia Mohamed étant composée essentiellement d'esclaves et prisonniers, il est possible qu'une partie ai été laissée sur place aux abords d'In Gall. Ceci pouvant expliqué que personne à In Gall ne se réclame de la descendance d'Askia Mohamed.
En fin de compte on retrouve dans la fondation de la communauté des Kel In Gall, les même schémas qui conduisent à la fondation d'un groupement Touareg au Sahara, c'est à dire une agglomération de population de plusieurs origines qui se fait au grès des événements historiques.
Chronologie des événements
La venue des Isheriffen fondateurs d'In Gall, aurait pu avoir lieu au cours du 15è siècle, puisque selon la tradition orale à In Gall, ils auraient acheté cette terre au Sultan d'Agadez, dont le premier est connu en 1405. Les autres groupes ayant rejoint In Gall pour former la communauté des Isawaghen seraient arrivés à la suite de la destruction d'Azelik, soit à la fin du 15è siècle. La tradtion orale à In Gall positionne par ailleurs la fondation d'In Gall avant celle d'Agadez, ce qui peut paraître assez vraisemblable puisque la cité d'Agadez aurait été fondée à la fin du 15è siècle, Léon l'Africain ayant découvert une vrai ville en 1513. D'autant plus si on prend comme événement de la fondation d'une ville, la délimitation de sa mosquée. Mais il n'est pas certain que la tradition orale d'Agadez apporte les mêmes éléments, les recueils de traditions devraient donc se poursuivre pour accentuer la caractère plausible de cette chronologie. On n'oublie pas néanmoins que les Chérifs, qu'ils soient Igdalen ou ramenés de La Mecque par les rois du Mali et du Songhay, sont sûrement aussi assez présent dans la zone et peuvent être aussi à l'origine de cette tradition orale. Là encore aucun Igdalen ne semble avoir été interrogé sur les origines de la ville d'In Gall par exemple, et ce manque de recueil de traditions orales ne nous aide pas à construire une histoire plausible.
Concernant le groupe des Inemegrawen 2 hypothèses cohabitent : ou ce sont des descendants des dernières populations autochtones et dans ce cas là ils seraient présents dans la zone avant la fondation même du Sultanat d'Agadez et étaient donc une composante du Royaume de Tigidda, ou ce sont des descendants d'Askia Mohamed et alors leur venue se situerai vers le début du 16è siècle lorsque l'Askia Mohamed passa en Ighazer pour aller en pélerinage à La Mecque (1495-97 ou 1500) et/ou asseoir son autorité sur la Région, peut être même vers la fin du 15è siècle où il est déjà fait mention de l'autorité de l'empire Songhay sur cette région. Il est peu vraisemblable que ce schéma s'applique à un autre Roi du Mali ou du Songhay puisque ces grands souverains ont fait leur pélerinage à La Mecque en passant par le maghreb et donc en prenant la direction nord à partir de la boucle du niger, alors que l'Askia Mohamed a été sans doute l'un des premiers souverains à passer par l'Aïr et ainsi promouvoir un nouvel axe du commerce transaharien qui mena le Sultanat d'Agadez dans une grande prospérité tout au long du XVIè siècle.
(1) Bernus, S., 1976. Stratégie matrimoniale et conservation du pouvoir dans l’Air et chez les Iullemmeden. remmm 21, 101–110. https://doi.org/10.3406/remmm.1976.1354
(2) Bernus, E., 1970. Espace géographique et champs sociaux chez les Touareg Illabakan (République du Niger). rural 37, 46–64. https://doi.org/10.3406/rural.1970.1516