Jean Léon l’Africain nous donne une image de la ville d’Agadez au début du XVIè siècle. A la différence de Gao, il n’y a pas ici de ville duale, certainement du fait de l’insécurité de la zone, Agadez est alors ceint d’une muraille. Il est vrai que la fin de la période des grands empires d’Afrique de l’ouest marque aussi la disparition des villes duales au profit de ville fortifiées, peut être parce que la cohabitation des régimes religieux et idolâtre n’est plus en vogue, surtout parmi les élites commerçantes et politiques.
Les principaux habitants d’Agadez sont alors les marchands étrangers qui ont bâti des maisons à la manière de la Berbérie. Ils sont entourés d’un grand nombre d’esclaves pour leurs affaires et la ville recense aussi des artisans autochtones, ainsi que les hommes du roi de la cité qui tient une bonne garde dans un somptueux palais. Sa garde est composée de Libyens, plus sûrement des Targa qui habitent le pays et qui changent leur souverain selon leur bon vouloir. Les gens du royaume s’adonnent essentiellement au pastoralisme et vivent dans des tentes de nattes (Schefer 1898). On le voit, les renseignements que Jean Léon l’Africain nous rapporte sont assez pauvres et peuvent tout à fait provenir d’informateurs qui sont au sud, en pays Hausa et qu’il recueille ces informations avec les personnes qui circulent entre les villes. Sa présence dans la ville n’est pas du tout attestée.
Agadez devait également être peuplée de Magadezas, qui étaient les populations venues avec le Sultan et sont considérées comme les premiers habitants qui construisirent Agadez (Jean (Lieutenant) 1909). Magadézas serait un terme que la langue Songhay traduit par les premiers habitants d’Agadez. C’est parmi eux que le sultan a toujours choisi ses serviteurs titrés et ont de tout temps été les plus considérés parmi les captifs de case qui ont fourni les Ouakili, les Serki n’Kassoua, les Dokari ou encore les Touraoua. Agadez est surtout entourée de populations nomades qui tiennent la ville et son Sultan.
Les quartiers anciens
Agadez est une ville patrimoine mondiale de l’Unesco pour son vieux quartier autour de la grande mosquée et du palais du Sultan (UNESCO 2012). Les quartiers les plus anciens sont au nombre de 11. Trois sont des noms qui ont pour origine le Sonraï et qui forment une sorte de centre ancien de la ville, à l’exception de Obitara qui peut se traduire en Sonraï par "Yobou tara" "le marché de dehors", c’est à dire le lieu où se font les trocs de marchandises, et qui est situé au sud de la ville. Hougou béré, signifie "la grande maison" et fait référence à un bâtiment encore existant qu'un immigrant du nord avait fait construire après avoir acheté le terrain au sultan d'Agadez. Founé Imé signifie "petite porte" ou "portail" et fait référence à une porte secondaire dans les fortifications de la ville (Adamou 1979).
Au nord de l’ancienne cité, le quartier Amarewat est celui des Iteseyen dont on connaît l’importance dans l’élection du Sultan et même son origine. L’est de la ville est composé de quartiers dont les principaux habitants sont les Kel Owey. A l’ouest, on trouve donc plutôt les quartiers Sonraï, avec les Igdalen Amdit et un vocable Sonraï, alors qu’à l’est ce sont plutôt des quartiers des habitants de l’Aïr. On peut donc voir dans cette construction urbaine une certaine opposition est-ouest qui rappelle bien entendu les vicissitudes politiques de l’histoire du Sultanat de l’Ayar, mais aussi peut être un événement plus festif comme le Bianou, où ces même quartiers s’affrontent dans des joutes musicales et dansantes, rappelant aussi l’opposition entre Touareg de la plaine et de la montagne. Francis Nicolas propose en 1950 une séparation des Touaregs de l’Aïr, où Il oppose deux types : celui des nomades des plaines fortement hiérarchisés à celui des montagnards Kel Owey, métissés et peu hiérarchisés, à économie ouverte (Nicolas 1950). Tout se passe comme si Agadez était plutôt la contraction de l’Aïr, une sorte d’image réduite (Gagnol 2009).
Quartier | origine | habitant/activité | signification |
---|---|---|---|
Katanga | Hausa | Sultan | le mur |
Amarewat | Tamasheq | Iteseyen | |
Amdit | Tamasheq | Igdalen | nom d'une tribu Igdalen |
Imourdan‐Magass | Tamasheq | Kel Owey | |
Imourdan Nafala | Tamasheq | Kel Owey | |
Akanfaya | Tamasheq | Kel Owey | |
Oungoual Bayi | Hausa | Sultan (serviteurs) | |
Agar‐garin‐saka | ? | accueil des caravanes de chameaux | |
Founé‐Imé | Sonraï | ancienne porte secondaire de la ville | le trou de la bouche |
Obitara | Sonraï | peut être YobouTara marché à l’extérieur de la ville | le marché de dehors |
Hougoubéré | Sonraï | centre économique marché Tamallakoye | la grande maison |
Lors de son passage, Heinrich Barth nous laisse un plan de la ville (Barth 1863). On y retrouve quelques noms connus, comme Gobetaren pour Obitara (ici on comprend bien l’origine Tamasheq de son informateur), Akafa Naryina peut être pour Akanfaya, Katanga est également cité, ainsi que d’autres noms qu’il serait bon de retrouver, comme The rueman sans doute des mares, Digi qui est une ancienne mare, Arapia, ouan indrissu. Enfin, on trouve sur son plan deux dénominations Katschin et Mesrata qui peuvent désigner des tribus ou des quartiers de populations bien différenciées.
Les mots Sonraï sont aussi présents dans les noms des titres, Kokoye bere (le grand chef) pour le Sultan et Kokoye ghereghere pour le Sarkin n’Turawa ou chef des blancs, sorte de ministre des finances (Bernus 1972). Ces éléments Sonraï présents dans l’urbanisme et les titres des personnalités reflètent bien l’importance d’un communauté Sonraï à une époque ancienne, les engedeshen, dont Barth en rapportera quelques éléments du langage mixte similaire à celui des Isawaghen d’In Gall ou des Igdalen de l’Ighazer.
La guerre sainte de Hadahada
Hadahada est un Iberkoreyan, Ineslemen guerrier dont les ancêtres sont probablement présents depuis le Xè siècle entre Aïr et Ighazer. Le souvenir de ce personnage est encore bien floue tant dans les mémoires que les écrits qui semblent se contredire (Hamani 2008). Dahusahaq de par sa mère, son père était Iberkoreyan Eghlal. Pour Norris, la guerre sainte propagée par le fanatique Hadahada se place dans la première moitié du XVIIè siècle (Norris 1990). Elle fut sanglante et aboutit au départ de la plupart des Iberkoreyan de l'Ayar, mais aussi à leur scission en divers groupes préexistants.
Une fois adulte, Hadahada retourna en Aïr et devint Amenokal des Iberkoreyan. On ne sait s’il usurpa l’aménokalat ou si il lui fut remit. Les Iberkoreyan sont adeptes d’un islam rigoriste qui a du voir d’un bon œil la mise en place de la succession patrilinéaire au Sultanat de l’Aïr en ce début de XVIIè siècle. Ce type de succession est déjà établit en Adrar des Ifoghas depuis que les Ouelleminden l’ont instauré et détiennent la zone (Dida 2002). On peut donc suggérer que Hadahada est déjà bien imprégné de ces mœurs rigoristes lorsqu’il arrive en Aïr.
Au début du XVIè siècle, il est vraisemblable que le chef des Iberkoreyan Attawari, Afalawas, fut un participant actif au mouvement soufi de l'Aïr et devint un disciple de Sidi Mahmud al Bagdadi, fondateur de la Mahmudiyya. Les centres principaux d’enseignements et de pratique soufie dans la région de l'Aïr sont Agadez, Jikat, Abatul, Agalangha et In Teduq (Norris 1990). Les différentes traditions suggèrent que les mosquées et centres soufis de l’Aïr, In Teduq et Jikat en particulier, furent malmenés par Hadahada, jusqu’au combat d’Agalangha contre les Kel Owey vers 1650, qui vu le retrait définitif des Iberkoreyan de l’Aïr, pour se regrouper dans l’Azawagh à In Teduq et en allégeance d’avec les Ouelleminden. Hadahada avait réussi à se mettre à dos toutes les populations de l’Aïr, Kel Owey, Iteseyen et Agadéziens, notamment en capturant des hommes libres Kel Owey dont le seul méfait était d’être noirs et que le réformateur assimilait donc à des esclaves, cause probable du combat d’Agalangha contre les Kel Owey et le Sultan.
Poussés par le Sultan et ses alliés Kel Owey, Hadahada émigre vers l’Azawagh, il fera une halte au nord d’In Gall, le long du kori dont un quartier de jardin et le puits de l’oued porte encore son nom. Il ralliera ensuite In Teduq, mais ne fut sans doute pas très bien accueilli par la population. Il détruisit alors la ville et les populations Iberkoreyan s’allient aux Ouelleminden qui prennent également place en Azawagh. Dès lors, les Iberkoreyan ne sont plus guère cités dans les traditions et les écrits, seuls leurs fractions dominantes le sont, Attawari et Kel Eghlal. La formation de la Tagaraygarayt entre Ouelleminden, Kel Eghlal et Attawari Seslem, renvoie à une coalition en réponse au déclin de la route commerciale reliant Gao à Agadez, allant de pair avec le déploiement de nouvelles populations et l’adoption de nouvelles stratégies politiques, religieuses et économiques qui s’épanouiront au XVIIIè siècle (Walentowitz 2003).
On peut d’ailleurs suggérer que c’est dans ce redéploiement des populations en Azawagh, que les Igdalen et les Imghad Iberogan furent géographiquement séparés, les Imghad restant au sud de l’Azawagh et les Igdalen restant en Ighazer. Les Igdalen occupaient alors vraisemblablement plus l’Azawagh et peuvent représenter les Damushush d’Al Umari. Ils feront un mouvement migratoire assez similaire, mais moins important, que les Tamezgidda qui continuèrent vers le Damergou, les Igdalen restant autour des falaises de Tiguidit entre Aderbissinat et Tegidda n’Tesemt.
Des Lisawan
Les Lisawan apparaissent dans les chroniques d’Agadez dès la création du Sultanat. Les Lisawan de Keita comprennent des sous-groupes d'origines différentes. Certains de leurs descendants vivraient encore dans un petit village au sud de Ghât dénommé Al Barka. Leur tribu est composée de trois sections, autrefois clairement différenciées, bien qu'elles se soient mariées entre elles : les Tirizei, les Araman et les Ilemteyen (Jean (Lieutenant) 1909). Cette précision s’en trouve grandement appuyée par le père de Foucauld pour qui « la tribu des Ilemteyen est une petite tribu touarègue, ne faisant partie d’aucun des groupements touaregs, et habitant les environs de Ghât ; autrefois nombreuse et nomade, elle est aujourd’hui très peu nombreuse et sédentaire (Foucauld cité par Naïmi 2017).
A Ghât, la mémoire des Tirizei, des Araman, et plus généralement des Lisawan n'a pas survécu. En revanche, quelques Ilemteyen y sont encore installés et, jusqu'à une date relativement récente, ils étaient en contact avec leurs parents de l'Ader. Même si Rodd classe les Ilemteyen parmi les Kel Ajjers, Duveyrier précise que c’était un intermédiaire commercial qui entretenait des relations avec l'Afrique noire. Plutôt que de toujours voir des relations nord-sud, ne pourrait-on pas ici y voir une migration sud-nord d’une population Touareg le long de sa route commerciale. En effet, les Ilemteyen ne semblent avoir aucune attache véritable aux Ajjers et leur origine Lamta, donc de l’Adrar des Ifoghas reste à démontrer.
Rossi nous apprend que l’une des fractions des Lisawan était connue sous le nom de Kel T'ilimsawin ou Kel Telamse de la vallée homonyme d'Aoudéras, au nord-est d'Agadez, qu'ils habitaient. Rodd les considère comme Iteseyen et les séparent des Lisawan. Paulo Fernando de Moraes Farias a suggéré que les ethnonymes "Kel T'ilimsawin" ou "Kel Telamse" pourraient dériver respectivement de "Tīlemsī" et "Telămse", le premier étant la forme arabe maure/saharienne, et le second la forme tamasheq, du même nom "donné aux vallées riches en végétation, dans lesquelles l'eau ne coule qu'immédiatement après les pluies" (Rossi 2015). Telămse est somme toute un toponyme assez fréquent puisqu’on le rencontre aussi dans l’Azawagh au nord-ouest de Tahoua et que dans cette direction on va aussi trouver la grande vallée occidentale de l’Adrar, la vallée Tilemsi. Ainsi, il peut également se dessiner une origine occidentale pour les Ilemteyen et les autres branches des Lisawan qui avaient des bases en Ighazer comme les Gawalley ou encore les Tawantakat qui suivirent les Lisawan lors de la conquête de l’Ader par Agabba. C’est très certainement le rapprochement qu’ils firent avec le pouvoir agadézien qui leur permit de rester dans l’antichambre du pouvoir, à la différence des Messufa qui furent dépareillés. Ainsi naquirent les Lisawan.
Conquête de l’Ader
Le Kanta conquière l'Ader vers le XVIè siècle. Mohamed el Mobarek, qui commença son règne en 1654, vainquit le Kanta qui exerçait son pouvoir sur l’Ader depuis son pays le Kebbi. C’est son fils Agabba qui fait cette conquête de l’Ader vers 1674. Il se rend en Ader accompagné de trois groupes, les Lisawan et leur chef Alemtey, les Tawantakan et leur chef Amat Tounkiès, les Gawalley et leur chef Amat Tasa (Urvoy 1934 ; Nicolas 1950). Les trois groupes Lisawan dirigeront par la suite le pays d’Ader avec ces trois chefs. Agabba donne le nom au “pays raviné” Ader, puis retourne en Aïr mais revient pour prendre définitivement le pays avec les Lisawan et leur chef Elemtey. Agabba met en place une administration locale régie par les Lisawan, nomades et guerriers, et dont la chefferie sera issue du Sultanat d’Agadez, sédentaire (Echard 1975). C’est peut être à cette période que se constitue informellement le groupe des Lisawan, qui sera mis en avant dans les Chroniques d’Agadez au début de XXè siècle (Rossi 2016). Vers 1687, Agabba devient le nouveau Sultan de l’Ayar et règne ainsi sur l’Ader. Ce n’est vraisemblablement que vers 1720 que la chefferie des Sarki n’Ader se mettra en place, lorsque Agabba sera détrôné par les Iteseyen et recevra cette suzeraineté peut être pour bon et loyaux service rendus aux Iteseyen.
Assodé
Au début du XVIIIè siècle, Agabba doit faire face à des troubles divers. Il dut se réfugier à In Gall en 1705. Une nouvelle bataille eu lieu à In Gall en 1712 (Urvoy 1934). En ce début de siècle, les Kel Owey, renforcés par de nouvelles arrivées de Touareg venus des Ajjers et de l’Ahaggar, poussent encore un peu plus leur empiétement territorial sur les parcours des Kel Gress et Iteseyen. Mais face à cette expansionnisme, le Sultan Agabba, comprenant peut être la suprématie que les Kel Owey souhaitent imposer, attaque l’entrepôt et le centre commercial des Kel Owey d’Assodé. Il rompt ainsi la filiation Kel Owey mise en place avec son arrière grand-père. Les Kel Owey vaincus signent la paix d'Amdid en 1714 (Hamani 1992), dont on peut suggérer que les Igdalen Kel Amdit en furent les intermédiaires. Vers 1720, les Iteseyen déposèrent le sultan Agabba et mirent à sa place son frère Muhammad al-Amin. Malgré des protestations véhémentes et un début de troubles à Agadez, Agabba s'inclina et partit pour l'Ader (Hamani 2006).
Les datations carbone 14 recueillies par les archéologues sur Assodé, bien que partielles du fait de peu d’investigations faites sur cette ville, montre une occupation du site depuis au moins le XVIè siècle et surtout sur les XVIè et XVIIè siècle. Elle fut utilisée aussi au XIXè siècle lorsque Barth passa à proximité, 80 familles au moins y résidaient (Barth 1863), et fut définitivement désertée après la révolte de Kaocen. La période des XVIè et XVIIè siècle voit la montée en puissance des Kel Owey dans le jeu politique de l’Ayar. Au début même du XVIIè siècle, ils prennent même la main sur la succession des Sultans, désormais issus du mère Kel Owey et imposent à cette suite la succession patrilinéaire. On ne sait pas ce qui a décidé Agabba, au début du XVIIIè siècle, d’attaquer Assodé, mais le pouvoir politique grandissant des Kel Owey et d’Assodé peut en être une explication de la part du seul Sultan de l’Ayar qui fut un conquérant.
S’il y avait un pouvoir concurrent à Assodé, il devrait donc y avoir des éléments qui matérialisent cette chefferie. On peut en retrouver des signes dans l’architecture de la grande mosquée d’Assodé à travers trois éléments qui matérialisent le pouvoir politique du Sultan de l’Ayar sur la grande mosquée d’Agadez. Le minaret bien entendu, mais aussi la maqsûra que l’on devine à travers un renflement sur le coin nord-est de la mosquée d’Assodé, ainsi que l’extension de deux travées au sud-est, siège de l’aumône du souverain. Cette saillie de deux travées n’est pas relevée par les auteurs qui ont visités le site d’Assodé (Rodd 1926 ; Cressier 1989 ; Roset 1989), elle se devine pourtant très bien sur les images satellites et permet de recentrer le mirhâb au centre du mur de la qibla. Si ces éléments restent à confirmer archéologiquement, il pourrait très bien s’agir ici de la matérialité d’un contre-pouvoir qui pu déplaire à un conquérant comme Agabba et être ainsi la cause de son action de répression à Assodé, qui détruisit ces éléments d’apparats du pouvoir.
Si la mosquée d’Assodé matérialisait le siège d’un pouvoir politique, il lui fallait un chef, très certainement une amenokal de tribu Kel Owey. On peut également suggérer que c’est à la faveur de ces événements qu’émergea la personnalité politique de l’Anastafidet qui aujourd’hui encore joue un rôle de lien entre le Sultan de l’Ayar et les Kel Owey. Il n’a pas de pouvoir réel, n’est pas de culture Touareg tout comme le Sultan, mais d’origine servile, ces deux personnages sont des intermédiaires entre les Aménokal Touaregs. L’Anastafidet, aujourd’hui chef Kel Owey résidait à Assodé encore régulièrement au milieu du XIXè siècle (Barth 1863), avant de s’exiler au XXè siècle du fait de l’insécurité qui régnait en Aïr.
Agabba a donc mis à mal l’autorité des Kel Owey en Ayar, les Iteseyen allaient pouvoir reprendre la main. On peut penser qu’il y eu alors une négociation entre les parties et que pour récupérer l’élection du Sultan, les Iteseyen firent comme concession aux Kel Owey de détrôner Agabba qu’ils envoyèrent en Ader et le remplacèrent par son frère. C’est possiblement durant cette période que la condition servile de la mère du Sultan a pu être mise en place pour éviter le ralliement du Sultan à un quelconque clan Touareg. Barth nous signale au milieu du XIXè siècle que le Sultan d'Agadez n'appartient plus à la race berbère, et doit être issu d'une famille du Cheriffa qui habite, non pas à Agadez, ni même dans le pays d'Aïr, mais dans celui de Gober (Barth 1863). Parallèlement a pu aussi se mettre en place l’Anastafidet avec les mêmes prérogatives que le Sultan d’Agadez mais tout de même sous son autorité.
Les événements qui se sont déroulés du côté d’In Gall sous le règne d’Agabba, matérialisent peut être aussi ce récit. En 1705, Mohamed Agabba fera son entrée dans la cité Isawaghen et la ville sera le lieu d’une bataille en 1712, toujours menée par Agabba (Urvoy 1934). Déjà en 1677 son père avait trouvé refuge à In Gall à cause de la guerre autour d’Agadez. On le voit, dès cette époque, In Gall peut être un échappatoire pour la dynastie agadézienne, notamment lorsqu’elle ne peut pas trouver de refuge parmi les populations Touaregs de la plaine ou de la montagne. Ainsi, on peut suggérer que les Sultans Al Mobarek et son fils Agabba ont cherché à la fin du XVIIè siècle une certaine forme d’émancipation de leur dynastie vis à vis des pouvoirs Amazigh. Mais la fin de cette période aboutie à l’inverse, de nouveau les Sultans sont largement réduits à un rôle subalterne et les destitutions vont s’enchaîner tout au long du XVIIIè siècle.
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