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    Les grandes festivités

    Les fêtes traditionnelles de l’Ayar et d’In Gall en particulier, reflètent aujourd’hui une certaine forme de symbiose entre rites antiques et rites religieux. Néanmoins, ces derniers tendent à prendre le pas sur les premiers, mais toujours de façon progressive. C’est d’ailleurs l’une des grandes capacités de l’islam en Ayar que d’avoir su se fondre dans les coutumes locales. C’est aussi l’une des revendications touarègues récurrentes qui souhaitent le retour des traditions qui font la culture touarègue, comme par exemple le Gani, événement politique de rappel de l’identité commune des populations du Sahara central (Claudot Hawad 1993).


    Le Mouloud et le Gani

    Le Mouloud symbolise la naissance du prophète Mohamed. Elle est célébrée en deux phases chez les Isawaghen d’In Gall. Le 11 du mois lunaire Rabioul Awal, jour de la naissance physique du prophète et son baptême une semaine après comme il se doit. Cette fête s’appelle « Almouloud ». Les Isawaghen lui accorde tellement d’importance que même les enfants nés durant ce mois se baptisent Maouli pour les garçons et Khadija pour les filles (nom de la compagne du prophète). Les habits traditionnels sont alors de sortie, les plus privilégiés sont les grands boubou, le litham, les chaussures en cuir, les portes feuilles et le sabre.

    Dix jours avant la naissance du prophète, les marabouts s’entraînent à la lecture des éloges. Les femmes ne cessent alors de s’entraîner chaque soir pour maîtriser le rythme de leur tambourin, Akanzam, qui doit accompagner toutes ces éloges avec un Tindé. Enfin, vers 15h30, les vieilles femmes se mettent en place pour Azirey-Zerey signifiant l’arrivée du prophète au monde. Le rythme musicale envahi alors le village, accompagné de chanson chérissant le nouveau venu. Dans la nuit le rythme devient plus endiablé car l’heure de la naissance se fait plus proche. Aux premières lueurs du jour l’enfant prodigue naquit. Tout le village est en joie, les bruits cessent, les cœurs sont apaisés et joyeux, tout le monde rentre à la maison en remerciant le miséricordieux. Une semaine après, tout se remet en place pour le baptême avec beaucoup plus de sérénité.

    Cette fête est aujourd’hui en Ayar confondue avec la fête du Gani. Selon le calendrier touarègue ancien, sa célébration se situe au douzième jour du mois lunaire qui suit le mois des pillages (aqqaten) et qui précède celui du faon (awjim), ce qui correspondrait à la période charnière entre la saison des pluies - où les campements se retrouvent dans les pâturages d'hivernage à l'extrémité de leurs territoires respectifs - et l'automne, époque où chacun retourne dans sa vallée d'élection (Claudot Hawad 1993). Célébrée dans différents lieux de l'Aïr, la fête de Gani jouit d'une réputation et d'une ampleur inégales. La variation des significations qui lui sont attribuées selon les milieux concernés est perceptible.

    Le Gani est souvent limité au sens religieux qu'il prend pour certains ou au seul aspect festif perçu par d'autres, ce qui l'ampute de ses significations originelles permettant autrefois de tisser la trame des relations politiques de la société touarègue, les nobles aussi bien que leur entourage, esclaves et forgerons. C'est à cette logique politique que renvoient les grands Gani comme ceux qu'organisaient sur leur territoire les Ikazkazen, les Kel Tekreza, les Kel Gharous, les Kel Agalal dans l'Aïr ou encore, plus au sud dans le Tagama, les Ifadeyen, les Kel Tamat, les Inesgamen, et où les populations d’In Gall avaient bien entendu leur place. (Claudot Hawad 1993). Le rite consiste en des danses à l’intérieur de cercles, reproduisant le corps humain où les fractions touarègues prenaient place pour montrer leur unité.

    En Songhay, le mot Gani (gáàní) signifie simplement « danser ». Pour les musulmans Songhay sur l'arc oriental du fleuve Niger, par exemple à Nikki dans le Dendi béninois, c'est aussi le nom de leur festival Gààní (Mawlid) en l'honneur du Prophète comme en Ayar. Pour Moraes Farias cela ne fait pas de doute que le Gani de l’Ayar a été apporté par les commerçants musulmans de langue Songhay qui ont transporté le festival Gani dans d'autres régions et cultures ouest-africaines, dans lesquelles le festival a été célébré soit comme un événement islamique commémorant le prophète Muḥammad, soit comme une célébration de la royauté et du chef qui ne fait aucune allusion au prophète (Moraes Farias 2013). Il semble que dans l’Ayar, les deux modes de célébration, le mode noble-guerrier et le mode clérical-musulman, sont encore célébrés lors du Gani annuel, bien que le mode clérical semble dorénavant prédominer.

    L’utilisation du terme Gaani reflète donc la portée des commerçants musulmans parlant le songhay. Pour l’Ayar, on sait qu’au XVè et XVIè siècles, leur réseau commercial était soutenu par la puissance militaire de l’empire Songhay, ce qui peut être l’une des périodes d’introduction du Gani au moment de la naissance du Sultanat de l’Ayar des villes d’Agadez et d’In Gall. Mais si le Gani est un rite touarègue ancien, comme nous le dit Hawad, alors les commerçants de langue songhay ont plutôt servit de lien entre les rites antiques et religieux.


    Le Bianou

    Cette fête ancestrale débute une semaine après l’Aïd El Kebir (Tabasky) et dure 23 jours. C’est le mois de Bianou, tous les enfants qui naissent durant cette période devraient se nommer Bianou. Il prend fin le jour du nouvel an musulman et remonterait à la nuit des temps, selon des religieux après le déluge (Souleymane 1992). Cette fête se déroule essentiellement à Arlit, In Gall et Agadez où elle a plus d’importance que dans le reste du Niger. Les hommes tapent sur trois ou quatre tambari (gros tambour) aux sons différents, les femmes et les jeunes s’envoûtent en tapant sur l’akazam (petit tambourin) et la danse se fait inévitable. Tous mettent leurs habits des grands jours pour se faire plus beaux et plus belles en criant ou en souriant pour démontrer leur joie.

    Comme la ville s’agrandissait à l’est et à l’ouest, deux factions rivales se sont formées et affrontées en raison d’enlèvements de femmes dit-on. Depuis, il est coutume que des descendants de ces deux clans ne se rencontrent pas pendant les parades. Si une telle rencontre survient, alors les deux groupes luttent par des joutes oratoires et musicales. A l’occasion de la fête de Bianou, le sultan et sa cour revêtent les turbans d’indigo et paradent sur des chevaux bien harnachés. Quand la nuit arrive, les gens regagnent leur demeure, puis les groupes se reforment après le repas du soir jusqu’au milieu de la nuit. Ces soirées déambulatoires de chants et de danses durent jusqu’au dixième jour de la nouvelle année islamique. Alors, l’ensemble de la population agadézienne, en habit de fête, rejoint l’un ou l’autre des deux cortèges qui, au crépuscule, quittent la ville au son des tambours de guerre et des tambourins pour se rendre autour des tombes à tumulus d’Alarcess. A l’aube, les deux groupes se dispersent, rejoignant séparément la ville. Les guerriers, portant le turban en crête de coq, brandissent leurs lances ; certaines personnes sont habillées de façon extravagante ou grotesque ; la foule tient des drapeaux et des tiges de palmiers, agitées comme des armes, et profère injures et paroles grossières. Pendant trois jours, la procession s’organise dans chaque quartier pour en chasser les mauvais esprits, reprenant ainsi presque trait pour trait les séquences de l’ancien pèlerinage dit tagdudt (Morin-Barde et Hawad 1985).

    L’origine de la fête de Bianou est sujette à plusieurs hypothèses. Certaines narrations attribuent l’origine du Bianou à l’arrivée des arabes de Ghadamès et de Misrata à Agadez. Selon d’autres sources, le Bianou date de la fin du grand déluge du temps du prophète Noé. D’autres encore affirment que le Bianou symbolise l’accueil que les habitants de Médine ont réservé au Prophète Mohamed, le 18 juin 622, lors de l’Hégire. Enfin, d’autres traditions rapportent que les deux groupes qui s’opposent et finissent par se rejoindre, correspondent aux deux grandes entités politiques qui dirigeaient le pays et la ville, celle de l’Est et celle de l’Ouest. On peut évidemment y voir l’opposition entre les Touareg de l’Aïr et ceux de l’Ighazer qui vers les XVè et XVIè siècles durent s’affronter, et pas seulement dans des joutes oratoires ou musicales, avec au milieu le Sultan chargé de rassembler ses ouailles. La fête permet aux deux parties rivales de se rapprocher, de cohabiter, de se réconcilier. La nécessité de leur coopération et de leur solidarité est ici symboliquement réaffirmée à travers cette fête (Morin-Barde et Hawad 1985).


    Le Carême et la Tabaski

    Il se déroule à In Gall comme dans tous les pays musulmans. En effet, les musulmans se privent de manger et de boire pendant toute la journée et cela jusqu’à 29 ou 30 jours. C’est le mois de Ramadan ou Izoum en Tasawaq. Les marabouts lisent les éloges du prophète quand les hommes et les femmes chantent et dansent parallèlement à ces mêmes éloges. Les mets les plus savoureux sont préparés et acheminés aux différents endroits de la lecture. Le lendemain matin, c’est le grand rendez-vous à la vieille mosquée du village qui mérite d’accueillir la lecture du Saint Coran afin d’implorer Dieu à descendre sa clémence, sa bienfaisance et sa paix sur la région voir tout le pays. Pendant que se déroulait cette lecture, une équipe est désignée pour se rendre dans la palmeraie d’In Gall afin de sélectionner quatre branches de palmier qui serviront à marquer la fin de la fête. Cette fin fête est exécutée par des sages sous le regard pétillant des gens souhaitant revivre cette fête l’année prochaine. Alors, la nuit, c’est le silence total qui pèse de tout son poids sur le village, sous la fatigue et la nostalgie.

    La fête de la Tabaski, Tafaské en Tasawaq et en Tamasheq, ou fête du mouton se déroule chaque année au mois Jilhadji. C’est aussi une fête musulmane, dont le nom arabe rappelle que ce mois est celui où les musulmans accomplissent l’une des cinq obligations de l’islam à savoir le Hadj, le pèlerinage à la Mecque. Au cours de cette fête, chaque musulman adulte doit égorger un mouton en imitant le prophète Ibrahim. Très vieux, le prophète Ibrahim a eu son premier et unique fils. Il avança qu’il ferrait tout ce que Dieu lui demanderait. Un jour, il a rêvé que dieu lui a demandé d’égorger son fils. Il raconta cela à son fils Ismaël qui lui dit d’obéir au bon Dieu. De bon matin, il amena son fils Ismaël se laver et bien s’habiller et suit son père. Celui-ci lui demanda de se coucher, l’attacha comme un animal et décida de l’égorger. Mais le couteau n’arriva pas à trancher la gorge. Fâché, le père d’Ismaël jette le couteau sur un caillou qu’il trancha. Il reprend le couteau et dit : tu coupes le caillou mais tu ne peux pas trancher la gorge ? Il tente à nouveau sans succès. C’est alors qu’un ange lui apporta un mouton en remplacement de son fils. Voilà pourquoi le mouton est égorgé en cette période par chaque musulman qui en a la capacité.

     


     Références

    Claudot Hawad H. 1993 – Gani : la politique touarègue en spectacle - Persée, Revue du Monde Musulman et de la Méditerranée, (62‑63), p. 211‑223.
    Moraes Farias P.F. de 2013 – Bentyia (Kukyia), Afriques (en ligne), 4, http://journals.openedition.org/afriques/1174.
    Morin-Barde M., Hawad M. 1985 – « Agdud » in « Encyclopédie berbère », Editions Peeters, volume. 2, p. 246‑248.
    Souleymane 1992 – Bianou, une passion, une fête, Film 18 mn.

     

    Bianou, une passion une fête - Souleymane MAHAMAN - 1992 - 18mn Bianou - In Gall - décembre 2015