On parle ici peut être abusivement de traditions orales. En effet, ces témoignages ne sont pas recueillis auprès des traditionnistes qui sont les véritables porteurs de récits historiques, mais le sont auprès de tout un chacun qui détient quelques brides de son histoire, reçues vraisemblablement par ses aïeux ou grappillées dans les conversations. Il est donc difficile d’en tirer des certitudes et il n’est pas utile de vouloir faire un choix entre ces dires, mais il peut être utile de les considérer comme mémoire du temps. Elles ne sont ni vrais ni fausses, elles témoignent néanmoins de liens que les populations se donnent.
Ousmane Houmoud - Chef de village 22/09/2017 Isheriffen
Tegidda n Tesemt été présent 50 ans avant Ingall, il y a avait des Imesdraghen et Inussufan, Ingal existe 50 ans avant le premier sultan. A l’origine ce sont deux Shérif qui créèrent Ingall :
- le premier Kalbi a créé la mosquée, il est à l’origine de tous les Alkali, il vient de Médine,
- le second Nazibou repositionne la mosquée mieux à l’est, il est à l’origine de tous les Imam, il vient d’Égypte.
Ils sont venus avec des rejets de dattiers et ont cherché le bon endroit, « inguéné ». Petit à petit les Imesdraghen, Inusufan vinrent s’installer à Ingall car c’était mieux que Tigidda. Pour les jardins les premiers furent Akalel puis Imusan (dont kuzara), parmi les chefs de villages Abou Mohamed a tenu tête à Kaocen, un autre a été décapité par les français.
La demeure du Sultan à Ingall a été créé pendant la colonisation, lorsque Oumarou Ibrahim fut destitué et remplacé par son fils Ibrahim Oumarou, le premier fut ainsi amené à Ingall et enterré aussi dans cette demeure.
Ghousmane Khoumoud, chef de village d’In Gall 20/04/2007
Les gens d’In Gall, c’étaient des gens qui étaient venus de la Mecque. Ils étaient au nombre de deux personnes : l’un s’appelait cherif Alghalam et l’autre cherif Almazgou. Ils étaient arrivés ici même à In Gall avec quelques pieds de palmier dattier. Ils étaient passés d’abord par Agadez ; à chaque escale, ils creusèrent un trou et y remirent le sable retiré tantôt, s’il n’y avait pas de reliquat, ils continuèrent leur route jusqu’à ce qu’ils arrivèrent à In Gall. A leur arrivée ici, ils creusèrent le même trou qu’auparavant et y remirent le sable comme précédemment. Et, du sable en resta alors que le trou était comblé. Alors ils dirent : « inge, le site, le site, c’est ici même ». C’est ce qui était à l’origine d’In Gall ».
Elhadj Ibrahim 22/09/2017 Inussufan
Les gens d’Ingall viennent du Yémen, sont passés par le Maroc dont Fès puis Tombouctou. Askias Mohamed en allant à la Mecque a pris quelque uns et a laissé ensuite ce qui sont fatigués, ceux qui sont restés sont les Imesdraghen du quartier Agafaye. Les Alkali et des Igdalen qui viennent du sud ont trouvé les Imesdraghen qui avaient fait la mosquée. Les Isheriffen ont modifié l’orientation car les premiers avaient orienté la mosquée de là ou viennent les animaux, un consensus est trouvé, les Imesdraghen donnent les Iman et les Isherifen donnent les Alkali.
Les Inusufan viennent de Tegidda n’Tesemt quartier Attaram. Les Inemegrawen quartier Alkoubla Agajirbéré ce sont des éleveurs. Ingall a été créé 40 ans avant le premier Sultan d’AZ. Pour les quartiers de jardin, ce sont Akalel, Kuzara, Imusan puis plus tard Tama Henen, Bandan Ifirgan. Avant le chef de Tigidda est seul, les gens entre-tuent, 3 groupes Kel Gress, Kel Owey, Iteseyen vont à Istambul. Deux sont revenus (pas les Iteseyen) avec l’enfant d’une affranchie du Sultan d’Istambul, car les épouses de ce dernier ne veulent pas donner un fils. Le sultan a regroupé chaque groupe et nommé les chefs de groupement selon leur bonne figure. Liste des chefs de villages : Ousmane Oumoud, Oumoud Albade, Halilou Bougounou, Assaghid Chibba, Chibba Hamed Attaher, Sousou, - , Tahioup, - , El hadj Al Moctar.
Assalam Mohamed (ditboukou)
D’abord Tigidda puis Ingall. Les éleveurs avec leurs esclaves qui pâturent remarquent une effervescence de la terre, ils en mettent dans leur plat et cela donne un bon goût et ensuite les gens ont pris leur place, il y a avait des Imesdraghen et Inusufan.
Des Isheriffen passent à Tigidda puis viennent à Ingall, ils ont amené Almadeina, Ingall né avant AZ. Petit à petit les gens de Tigidda viennent s’installer à Ingall. Leur origine est Telguina = Teleginit
Tirguit Kel Tofey 25/09/2017
Ils sont venus d’Égypte et s’installent vers Assaouas, In Gitane, Tiguerwitt, Tirgit. Idem pour les Kel Amdit qui s’installent autour de Mazababou. Tigidda est venu avant Ingall. Ils se disent descendants des Songhaï, reconnaissent une filiation avec les Isawaghen, mais plutôt Inusufan, un peu Isheriffen. Relation aussi avec les Ifarayen, pas de relation avec les Iberkoreyan.
Ibrahim François, In Gall 20/04/2007
D’après certains, In Gall a été créé 400 ans après Tegidda n’tesemt et 500 ans avant Agadez. D’après les anciens, les fondateurs d’In Gall seraient deux hommes (2 ilwilitan) venus l’un de Bagdad et l’autre de la Mecque. Ils étaient partis de leur pays à pareil moment (soir), et voyagèrent jusqu’à Agadez. De là ils continuèrent leur route ; à chaque étape, ils creusèrent un trou jusqu’à leurs genoux, puis y remirent du sable retiré, comme s’ils faisaient une prospection. Si tout le sable retiré est remis sans que le trou soit rempli, ils continuaient leur route en creusant, à chaque étape, un trou et en répétant les mêmes gestes. Et ils arrivèrent à In Gall, précisément à l’endroit où se trouve actuellement l’ancienne mosquée d’In Gall. Ils campèrent là. Ils creusèrent au bord du kori d’In Gall un trou, comme ils l’avaient fait jusque-là. Ils y remirent le sable retiré, le trou est pour une fois rempli, mais une bonne quantité de sable est restée au bord du trou. Puis, ils répétèrent la même expérience un peu plus loin ; ils observèrent le même phénomène : le trou est comblé, mais le sable reste encore. Ainsi, ils conclurent que c’est ça leur pays, le pays béni (al baraka) ; ils conclurent qu’ils étaient arrivés à bon port. Puis ils repartaient et revenaient.
Un jour, après la prière d’alghasar, ils regardèrent vers l’est, et l’un dit à l’autre : « voilà la direction de la Ka’aba (de la Mecque) », l’autre lui répondit : « non c’est par là ». Le natif de la Mecque rétorqua : « moi je t’indique la vraie direction de la Mecque, non la direction Est ». C’est ainsi qu’ils fondèrent la mosquée, puis ils retournèrent d’où ils étaient venus prendre leurs familles. Comme c’étaient des saints, ils voyageaient à pied ! Ils s’étaient entendus sur la date de retour à In Gall, et chacun retourna chez lui. Là-bas, ils donnèrent une consigne à leurs familles : « fermez les yeux, dormez, ne réveillez personne », et le lendemain en ouvrant les yeux ils étaient à In Gall, à l’endroit où se trouve l’ancienne mosquée. Ils plantèrent alors leurs rejets de palmiers-dattiers. Les chérifs d’Azelik (Ischeriffen) étaient venus s’installer ici. Lorsque les deux ilwilitan étaient venus, il n’y avait ici que la vallée (ou le kori). Ils étaient donc les premiers habitants-fondateurs d’In Gall.
Yakoub Madayé (20/10/1970) (Bernus et Bernus 1972)
Nos ancêtres vinrent de Fès. Ils étaient au nombre de dix-huit. Ils s'installèrent à Taoudaouj ils en partirent et vinrent à Azélik. Ils restèrent là jusqu'au moment où ils dirent qu'il n'était pas possible de rester ainsi et qu'ils devaient avoir un chef. Quinze d'entre eux retournèrent à Fès. Les fractions de nos ancêtres étaient celles des lnusufan, Imiskikian, Iwantakam, Ilissawan, Itéssen, Kel-Owi. Ils allèrent et se rendirent à Istamboul. Ils ont pris un chef et l'ont emmené à Agadès. Ils demeurèrent, eux et leur chef. Il en fut ainsi pendant un certain temps jusqu'à ce que la discorde se mit parmi eux, tant que le chef d'Agadès déclencha contre eux la guerre. Il marcha sur Azélik et y parvint. Mais les habitants d'Azélik battirent les gens d'Agadès et en tuèrent quatre-vingt dix-neuf. Le chef retourna à Agadès. Ils les voulaient, ils les voulaient tant que les gens d'Agadès apportèrent encore la guerre. Ils vinrent à Azélik tandis que les gens d'Azélik étaient allés sur leur terrain de chasse et que peu d'hommes avaient été laissés dans les maisons. La plus grande partie étant à la chasse. Ils ont tué les hommes, ils ont tué les femmes, ils ont fendu leur ventre et en ont retiré les fœtus qu'ils mirent dans des mortiers et pilèrent. Ils ne laissèrent qu'un petit garçon des Imasdararan et une petite fille des lnusufan, avec une vieille esclave. Ils lui laissèrent le turban insigne de la chefferie, ils le donnèrent à l'esclave en disant qu'elle le garde. Elle élèvera le garçon et la fille jusqu'à ce qu'ils deviennent adultes. Alors elle noua le turban sur la tête du garçon et la fille se ceignit d'un pagne. Elle maria le garçon et la fille, qui étaient des lnusufan. Ils séjournèrent ainsi et s'accrurent en nombre, leur vieille esclave était toujours là. Un jour elle partit d'Azélik et se dirigea vers l'ouest en faisant paître des vaches. Quand elle fut arrivée à leur pâturage et que les vaches eurent piétiné le sol, de l'eau en sortit. Puis elle s'en retourna. Le lendemain, après avoir dormi, elle revint à ce pâturage, du sel était sorti de l'endroit piétiné par les vaches. Elle le ramassa et le mit dans un pan noué de ses haillons. Elle en goûta un peu qu'elle mit dans sa bouche et senti la saveur du sel. Elle fit un nœud et resta là pour faire paître jusqu'au soir. Elle prit le chemin du retour et rentra à leurs demeures au moment où ses maîtres coupaient de la viande. Ils lui en donnèrent qu'elle fit cuire. Quand ils lui eurent donné de la viande, elle prit un peu de ce sel et le mit dans sa viande, elle la cuit et l'apporta à ses martres. Ils mangèrent et chacun en ayant goûté eut la langue déliée. Ils appelèrent la vieille esclave et lui dirent: "Où as-tu trouvé cela, ce que tu as mis dans cette viande ?". Elle leur répondit: "Je l'ai trouvé à l'ouest". Ils dormirent et au matin de bonne heure montèrent sur leurs chevaux et leurs chameaux, l'esclave allant en tête. Elle parvint à l'endroit et leur montra, elle puisa du sel. Alors chacun prit un emplacement et ils s'en retournèrent. Ensuite ils revinrent à Tigidda. Ils aménagèrent des bassins d'évaporation pour faire le sel. Ils les aménagèrent et vinrent habiter là s'installant définitivement à Tigidda où ils organisèrent leur travail. Ils y demeuraient jusqu'au début des pluies, alors, ils partaient en laissant là. la vieille esclave, et allaient à Tabanguen où ils demeuraient jusqu'à la fin des pluies pour faire paître leurs troupeaux. Quand ils étaient arrivés à Tabanguen, les enfants des Isheriffen s'y rendaient de nuit pour courtiser les filles des Inusufan et des Imasdararan. De leur côté, les fils de ceux-ci partaient à lngall pour courtiser les filles des Isheriffen. Il en résulta que les Isheriffen se marièrent chez les lnusufan et les Imasdararan et inversement. Jadis, quand les Isheriffen se dirigeaient vers Tigidda, ils s' arrêtaient à ltiwagha et y dressaient leur camp, n'osant entrer dans Tigidda avec leurs marchandises. Les gens de Tigidda les leur achetaient et leur donnaient en échange du sel que les Isheriffen chargeaient et rapportaient à lngall. Quand ils se marièrent avec des lnusufan et des Imasdararan, les Isheriffen héritèrent d'eux des bassins à sel et des dattiers échurent aux lnusufan et aux Imasdararan qu'une vie plus agréable amena à Ingall. Les Isheriffen dirent aux lnusufan et aux Imasdararan de venir demeurer avec eux pour former un seul établissement. Les lnusufan et les Imasdararan répondirent qu'ils n'étaient pas d'accord pour demeurer ainsi dans un même établissement, mais qu'ils voulaient demander au chef d'Agadès d'acheter la moitié d'lngall pour s'y installer, car sans achat les descendants des Isheriffen pourraient un jour vouloir chasser les leurs. Ils allèrent donc trouver le chef d'Agadès qui leur proposa aussi de leur donner la moitié du terroir d'lngall. Ils dirent qu'ils n'y consentaient pas et qu'ils voulaient seulement en faire l'achat. Ils lui achetèrent donc et versèrent en paiement trois peaux de cou de chameau remplie d'or. Ils s'établirent alors à Ingall et se sentirent à l'aise. Ils ont planté à leur tour des dattiers et en ont accru le nombre tandis que les Isheriffen héritaient de salines. Depuis telle est notre position. Ainsi s'achève leur histoire.
Aboubabcar Ghali (Ghali 2016)
L’histoire de cette oasis est une exception. Cette vieille palmeraie a une histoire toute particulière par rapport aux palmeraies de la région d’Agadez. En effet, la fondation de la palmeraie est liée à celle du village lui-même. D’après les traditions orales locales, celle-ci aurait été créée par deux pieux personnages de retour du pèlerinage aux lieux saints, avec des plants qu’ils auraient rapporté de Médine. Il s’agit notamment des arabes chérifiens originaires de Fez au Maroc. Ces arabes chérifiens avaient apporté avec eux de Médine des rejets de dattiers qu’ils plantèrent alors à In Gall après plusieurs essais dans d’autres contrées. Voici leur histoire.
Dès leur arrivée, ils allèrent voir le sultan d’Agadez pour leur donner un lieu d’asile. Celui-ci leur ordonna de chercher un lieu favorable pour s’y installer, épanouir leur commerce et poursuivre l’expansion de l’islam. Pour ce faire, partout où ils passèrent, ils creusèrent un grand trou pour le refermer. Cela leur permettait de constater que l’endroit leur est favorable. En réalité, cette philosophie consistait à vérifier si le sable sorti pouvait refermer le trou jusqu’à avoir un reste. Après une multitude d'expériences et d’épreuves en divers lieux de la partie Ouest et Sud d’Agadez, le lieu idéal a été enfin trouvé sur l’actuel emplacement de la localité d’In Gall à 160 km d’Agadez. Ils retournèrent chez le sultan et, en guise de remerciement, ils lui offrirent 20 pièces d’or et 20 pièces d’argent. L’occasion leur fut alors offerte pour effectuer le pèlerinage à la Mecque et à Médine, villes saintes de l’Islam. Trois ans après, ils ramenèrent de Médine des rejets de dattiers qu’ils plantèrent à In Gall et s’installèrent définitivement dans cette localité.
Références
Bernus E., Bernus S. 1972 – Du sel et des dattes : introduction à l’étude de la communauté d’In Gall et de Tegidda-n-tesemt, Études Nigériennes no 31, IRSH, 130 p.
Ghali A. 2016 – Etude de la problématique oasienne au Niger, Almadeina, 55 p.