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    Les Voies Sahariennes

    De tous temps, il y a eu des échanges à travers le Sahara. Mais c'est sans doute à partir de la période antique que les voies transsahariennes se matérialisent le plus, pas seulement géographiquement, mais aussi mentalement dans les imaginaires des aventuriers qui peuvent trouver leur traduction dans le voyage de ces jeunes nasamons à travers le Sahara, relaté par Hérodote dans la première moitié du premier millénaire avant notre ère (Larcher 1850). Même si tout chemin peut être une voie de diffusion culturel, ce ne sont sans doute pas encore des routes commerciales proprement dites, mais plutôt des itinéraires de cabotage plus ou moins réguliers selon les périodes. Le royaume des Garamante fut un pole à partir duquel il est possible de tracer ces itinéraires à travers le Sahara pour atteindre le Sahel. Il faut bien préciser que les auteurs gréco-romains ne semblent pas connaître l’Afrique occidentale, leurs connaissance s’arrêtant à la région d’Agadir dans l’actuel Maroc.

    Néanmoins, il ne faut pas oublier que le Sahara est, encore au début de notre ère, habité en majorité par des populations soudanaises. On peut donc imaginer que ces populations pastorales ont une certaine habitude à évoluer vers le Sahel, même sans le chameau. Elles étaient donc suffisamment mobiles pour pouvoir s’adapter à l’aridification du climat et peut être déjà avaient-elles initiées de nouveaux parcours estivaux, vers les zones les plus favorables comme la plaine de l’Ighazer.

    Les sources gréco-romaines indiquent que les Garamante étaient des voyageurs efficaces à l'intérieur du Sahara, avec quelques attestations d'expéditions à longue distance jusqu'au sud, à Agisymba, où les rhinocéros se rassemblaient près d'un lac, potentiellement le Lac Tchad (Mattingly et al. 2017). L’influence des Garamante en Aïr-Ighazer a donc pu s’exprimer autour des voies qui gravitèrent autour de l’Ighazer durant l'antiquité. Cette influence n’était sans doute pas très vivace au premier millénaire avant notre ère, elle l’était sans doute plus au début de notre ère et s’exprimera pleinement à la deuxième moitié du premier millénaire et surtout au deuxième millénaire de l’ère commune.

    A partir du royaume Garamante, trois voies sont proposées par Mattingly et al. (Mattingly et al. 2017), ces trois voies, avant d’être commerciales, furent sûrement des itinéraires de diffusion culturel de proche en proche, et c’est le long de ces axes que l’on matérialise encore les chemins migratoires des populations berbères qui les empruntèrent dès le premier millénaire de notre ère :
    - la voie orientale du Kawar bien entendu, la plus évidente selon les auteurs gréco-romains, mais pourtant la moins explorée archéologiquement parlant,
    - la voie occidentale traversant le Hoggar et l’Adrar des Ifoghas pour rejoindre la boucle du Niger décrite par Liverani dans ses liens avec l’Égypte, mais assez peu connue des auteurs gréco-latins durant l’antiquité,
    - entre les deux, la voie centrale qui, à partir des oasis de Ghât, s’insinue par le nord du massif de l’Aïr, peut être via la vallée de Mammanet, hot-spot des graveurs rupestres, pour rejoindre Marandet au pied des falaises de Tiguidit, sorte de poste frontière qui s’ouvre sur le Soudan.

    Les connexions transsahariennes qui ont traversé le territoire Garamante ont eu des effets  transformateurs, non seulement sur les sociétés du Sahara central, mais aussi des répercussions potentiellement importantes sur les cultures subsahariennes. Le premier commerce transsaharien était plutôt une série de réseaux commerciaux interconnectés, avec les Garamantes au centre, plutôt qu'une route ouverte accessible dans sa totalité du nord au sud (Mattingly 2011).

    S’il fait peu de doute, que le premier État saharien, que fut le royaume des Garamante, a eu une influence importante sur les massifs du Sahara central, ce ne sont sans doute pas les oasiens eux-même qui portèrent cette influence lors de la période proto-urbaine. Ce sont plus sûrement les pasteurs sahariens qui rayonnaient dans la région et qui sont les descendants des pasteurs bovidens. C’est plus à la période classique que des oasiens ont pu ou dû rayonner sur les massifs du Sahara central, Ajjers et Hoggar, les échanges s’intensifiant et nécessitant à la fois confiance et proximité, le long de ces voies sahariennes (Liverani 2000).


    La voie de l'Ahaggar

    Liverani a tracé cette voie. Il ne fait pas seulement la liaison avec la boucle du Niger, il place le pays Garamante en relais d’avec l’Égypte (Liverani 2000). Cette voie suit les quelques découvertes qui relient le Sahara et le Sahel à la période antique gréco-romaine. Aghram Nadarif, dont la région de Ghât en est le point de départ. Elle est sans conteste possible reliée au royaume des Garamante, il pourrait même s’agir des Atarantes que Hérodote positionne à 10 jours à l’ouest des Garamante (Mattingly et al. 2019). La citadelle fouillée par Liverani à Aghram Nadarif, a été construite au milieu du Ier siècle BCE. Une inscription en écriture libyenne souligne son importance comme point de passage. Cette citadelle contrôle une importante route commerciale vers l'ouest (Fentress 2011).

    Le travail de Raymond Mauny a rassemblé les rares découvertes d'artefacts romains loin au sud-ouest des Garamantes (Mauny 1961). On trouve des objets romains dans la célèbre sépulture de la reine Tin Hinan à Abalessa dans les montagnes de l'Ahaggar, et une inscription en lettres latines a été enregistrée à Timmissao plus au sud. Dans la zone subsaharienne, des découvertes ont été faites autour de la boucle du Niger, comme Jénné-jéno et Tambouze près de Tombouctou au Mali, à Bura Asinda-Sikka au Niger. Mais aussi dans des sites proches des sources d'or, comme Kissi au Burkina Faso et Garbey Kourou au Niger. En outre, des travaux récents dans le pays Dogon et dans la plaine du Séno, au cœur de la boucle du Niger et loin des principaux points de contact potentiels des commerçants sahariens, ont commencé à révéler des importations précoces insoupçonnées en provenance de l'autre côté du Sahara (MacDonald 2011 ; Mattingly et al. 2017).

    Néanmoins, ces artefacts ne correspondent guère plus qu’avec le début de notre ère et plus particulièrement à partir du IVé siècle, même si les recherches récentes et sans doute futures pourront repousser cette limite. Les travaux sur Kissi par exemple, apportent des preuves matérielles qui repousse les liens avec le nord du Sahara au début du premier millénaire de notre ère. Une perle de verre a été trouvée dans un collier avec d'autres perles de quartz et de calcédoine, y compris de la cornaline. Le même site funéraire contenait des bijoux en métal, dont un bracelet en alliage de cuivre. L'image qui ressort des travaux de Magnavita, est que la grande majorité du verre préislamique arrivant en Afrique de l'Ouest avant le huitième siècle de notre ère provenait d'Asie, en particulier du Moyen-Orient ou du Proche-Orient. En d'autres termes, un réseau commercial transsaharien préislamique était relié non seulement à l'Afrique du Nord méditerranéenne, mais aussi aux systèmes commerciaux des routes de la soie et de l'océan Indien (Magnavita 2017). Les marchandises non africaines ont donc bel et bien atteint le Sahel, même si le nombre et la localisation des étapes de ce premier système commercial sont encore largement inconnues.

    Les preuves archéologiques des contacts transsahariens antérieurs à l'ère commune ne sont encore représentées que par de très rares objets, qui sont tous des perles de verre uniques, produites en faible quantité. Le fait que même dans des endroits reculés et avec des fouilles archéologiques minimales et/ou exploratoires, des preuves solides de l'existence de réseaux commerciaux commencent à émerger, implique que l'idée d'un commerce réduit ou largement invisible n'est probablement encore qu'une lacune de la recherche (Magnavita 2017).


    La voie centrale

    2023 jarry voies sahariennesA partir de Ghât, il est également possible de tracer une voie vers l’Aïr. Les néolithiques Ténéréen par exemple, ont laissé des traces de leur culture matérielle depuis l’erg Edmer jusqu’à l’Aïr oriental. On n’oublie pas aussi que les Touareg de l’Ahaggar font paître leur chameau entre leur massif et celui de l’Aïr, l’élevage des grands ruminants étant difficile dans les rocailles ahagariennes. C’est sans doute pour cela que les cultures néolithiques pastorales se retrouvent le plus souvent à l’interface de milieux écologiques différents, comme la montagne et la plaine. Ainsi, la circulation entre les massifs du Sahara central est attestée de longue date.

    Une autre voie de passage peut se situer le long de la vallée de Mammanet, au vu bien entendu des milliers de gravures rupestres qui sont présentes sur les parois de cette vallée et celles adjacentes (Lhote et Gado 1979), au vu également d’une sépulture datée du VIIè ou VIIIè siècle et qui montre que très tôt l’islam a pu arriver au sud du Sahara par cette voie (Paris et al. 1986).

    Même s’il n’a pas encore était retrouvé d’artefacts traduisant une circulation commerciale sur cette voie, sans doute faute de recherches suffisantes, l’aboutissement semble en être la plaine de l’Ighazer et en particulier dès le IVè siècle les confins des falaises de Tiguidit à Maranda. Aujourd’hui appelée Marandet, son emplacement à plusieurs avantages, d’abord une ressource en eau suffisante pour les caravanes, ensuite une proximité de la plaine de l’Ighazer qui devait, dès la fin de la période humide holocène, voir migrer hommes et animaux, peut-être déjà pour faire leur cure salée, faisant ainsi de Maranda peut la première capitale de la Cure salée avant In Gall. On peut supposer que cette voie passa par la vallée de Mammanet haut lieu des gravures rupestres pastorales.

    L’émergence de Maranda dans l’historiographie archéologique, coïncide plutôt bien avec la fin du royaume Garamante et la transition entre l’empire Romain et l’empire Byzantin marquée par la période Vandale au Maghreb. On doit donc supposer qu’à cette époque cette route a vu son trafic augmenter et une partie des populations berbères métissées ou non ont dû développer leur économie pastorale jusqu’au pied des falaises de Tiguidit.


    La voie orientale

    2023 jarry saline palmeraieLa route du Kawar est une voie transsaharienne nord-sud documentée depuis l’époque romaine, reliant la tripolitaine au Lac Tchad. Les Nasamon sont un peuple nombreux, nous dit Hérodote, qui l’été délaissent les bords de la méditerranée pour la récolte des dattes dans les palmeraies d’Audjilla (Larcher 1850). Ils sont voisins des Garamante et non loin des Troglodyte. Hérodote nous narre le récit de jeunes Nasamon vers le grand sud, mais comme le dit Mauny, au vu des éléments parcellaires qui sont fournis, on peut gloser sans fin sur le trajet accompli par les aventuriers au sud du Sahara (Mauny 1962). Néanmoins, la route du sud est ouverte et dès lors, on peut supposer que cette incursion nordiste marque le début d’un nouvel essor d’avec les peuples soudanais, interpénétrant un peu plus les cultures à l’aube de notre ère.

    Pline l’Ancien ensuite, nous renseigne sur une expédition menée par Cornelius Balbus en 19 BCE, qui ne dépassa sans doute pas le Fezzan (Pline l’Ancien 1855). Puis au début de notre ère, Septimus Flaccus en 70 et Julius Maternus en 86, font des expéditions militaires à partir de la tripolitaine vers les Éthiopiens, à chaque fois en compagnie des Garamante et même de leur roi pour Maternus. Après 4 mois, Maternus et le roi des Garamante arrivent au pays d’Agisymba où l’on rencontre des rhinocéros. Le positionnement géographique du pays d’Agisymba fera sans doute encore longtemps débat, tant que des données factuelles ne seront pas mises à jour pour confirmer ou infirmer la destination, si tenté qu’elles existent. En l’attente, nous pouvons très bien voir dans ces expéditions militaires des contre-rezzou Romain et Garamante, envers les populations du Sahara central et particulièrement celles du Djado-Kawar. Celles-ci devaient donc être suffisamment instables et difficiles à gérer pour les Garamante, qui font ainsi appel à l’empire Romain pour les aider à mettre de l’ordre sur la route du sud. Preuve qu’il en est, que cette route est déjà comprise comme un enjeu stratégique pour les Garamante et les Romain, afin de créer ou d’augmenter à leurs profits les relations d’échanges avec le Soudan.

    A partir de cette période, les Garamantes sont étroitement liés à l’empire Romain, commerçant et développant leur agriculture irriguée en plein désert. Mais plus aucunes mentions, durant cette époque, n’est faite par les auteurs latins sur la route du Kawar, qui ne semble plus intéresser Rome, laissant les Garamantes seuls assurer la liaison d’avec les peuplades sahariennes et soudanaises. On peut supposer d‘ailleurs, que le manque de mentions littéraires, fait apparaître le Kawar comme étant partie intégrante du royaume Garamante ou sous domination des Garamante, car les temps de paix sont largement moins narrés que les temps de guerre. Que ce soit une domination ou un partenariat bien établi entre populations sahariennes, cela suggèrent que celles du nord étaient installées au sud et inversement, facilitant le développement de la relation de confiance nécessaire au commerce à longue distance. Si tel fût le cas, alors il faut aussi admettre que cette période pue être aussi une période de fort métissage et facilitera également la main mise des berbères dès les VIIè et VIIIè siècle sur les salines ténéréennes. Ces relations purent être distendues selon les époques, Vikor soulignant que le Kawar constituait probablement une communauté oasienne décentralisée, dont les centres d'importances politiques et commerciales variaient au fil du temps (Haour 2017). On trouve d’ailleurs des traces kanuriphones jusque vers Tedjéré et même plus avant à Zawila, matérialisant bien l’interculturalité du Sahara septentrional.

    A l’époque antique, c’est sans doute la route principale des échanges avec le Soudan passant par le Djado et le Kawar pour atteindre le Lac Tchad. Elle est sans doute aussi la voie transsaharienne la plus ancienne, peut-être celle qui vue les premiers chameaux capables d’effectuer la grande traversée. C'est une voie naturelle jonchée d'oasis et donc naturellement utilisée depuis l'antiquité et même avant. Outre l'eau, les dattes constituent un aliment appréciables pour les chameaux et les hommes (Lange et Berthoud 1977).

    Au nord du Kawar, après l'oasis de Séguédine, deux pistes arrivent du royaume Garamante de part et d'autre du massif du Djado : une de ces branches longe le versant ouest du massif que jalonnent quelques oasis puis, au-delà des plaines de regs et de hamada du Tassili, rejoint Ghât. L'autre branche, à l'est du Djado, ne présente que quelques rares puits avant d'atteindre les oasis fezzanaises, d'où elle gagne la côte tripolitaine, c'est la voie à laquelle se réfèrent le plus souvent les auteurs du passé (Le Cœur 1985). On y retrouve notamment des oasis comme Tadjeré, Mbile, Ganderma qui toutes ont une population avec des origines Kanuri (Lange et Berthoud 1977), notant ainsi une présence soudanaise très proche du royaume Garamante mais peut être postérieure.

    Cette dernière piste pourrait se nommer la voie des ksar, puisque à partir de Tedjeré jusque vers l’oasis d’Agadem, on y trouve des constructions fortifiées. Chemidour est adossé à une de ces citadelles rocheuses, haute de 80 mètres, elle n’est accessible que du côté sud-est au moyen d'une échelle. Aney a édifié ses habitations au pied d'un bloc à pic de trente mètres d'élévation, au sommet duquel on se hisse à l'aide d'échelles de palmiers, en cas d'attaque. Toute la masse rocheuse est d'ailleurs percée d'excavations et de galeries intérieures dans lesquelles les populations se retirent en cas de danger (Le Cœur 1985). De ces fortifications et galeries rocheuses, ont doit y voir les troglodytes que les Garamante chassés sur des chars attelés de quatre chevaux, cités par Hérodote (Larcher 1850). Le conquérant Uqba Ibn Nafi au VIIè siècle aura bien compris le processus défensif des kawariens.

    Ces refuges en cas d’attaques sont dénommés tima et se situent surtout dans la moitié nord du Kawar, sorte de réduits fortifiés construits en pierre sur des promontoires de la falaise, toujours associés à des villages à leur pied. Ils répondent à un besoin de défense au même titre que les ksar de la plaine. Les tima n'ont pas de puits et ne pouvaient soutenir un siège de longue durée, ce qui permit sans doute à Uqba Ibn Nafi de les conquérir sans grande difficulté, à l’inverse des plus imposants ksar. Du nord au sud, on trouve les Tima d'Aney, Emi Tchouma , Achenouma et Mougoudem (Lange et Berthoud 1977).

    Au delà du lac Tchad, une seconde voie devait être active durant la période antique. Elle part de Djado et relie directement l’oasis isolée de Fachi en plein Ténéré, puis le petit massif de Termit à mi-distance entre l’Aïr et Lac Tchad. De là, les populations pouvaient rejoindre aussi bien le Bornou que le Katsina. Des traces linguistiques matérialisent cette route, les populations Kanuri de ces lieux, tout comme Tedjeré sur la route de Zawila, ayant des liens de parenté et un idiome linguistique similaire (Le Sourd 1946).

    Au court de la deuxième moitié de premier millénaire, et sous influence des ibadites qui développent le commerce transsaharien, les villages du Kawar se structurent. Guezebi devient la ville commerçante au nord du Kawar, et Bilma sera le chef lieu de la production de sel et d’Alun. On retrouve ainsi un exemple des villes duales qui marquent une frontière commerciale et politique entre le Sahara et le Soudan, à l’instar d’Awdaghost ou de Gao. Les sources parlent plus de l'alun que du sel, mais il est probable que le sel soit bien déjà la source minérale première de cette région, en atteste la "reproduction de l'alun" qui en fait ne s'applique que pour le sel ou le natron, tout comme le mélange de sel qui se pratique encore (Lange et Berthoud 1977).

    Les villages fortifiées du Djado, situées à 200 km au nord de Guezebi, ressemblent a des constructions ibadites. Le nom de Djado lui-même semble provenir du nom de la principale ville du Djebel Nefusa (Lange et Berthoud 1977). Le manque de fouilles archéologiques ne nous permet néanmoins pas de dater précisément ces constructions, les tima sont potentiellement plus anciennes que les ksar, mais on connaît la capacité des populations à réutiliser des anciens sites, et les implantations actuelles des ksar pourraient également avoir vu d’autres populations les occuper durant la période antique. On pense évidemment aux Sôo, dont on ne connaît que quelques brides de légendes.


    Les relations latitudinales

    Quelle pouvait être les relations entre le Kawar et la boucle du Niger, avec au milieu l’Aïr et l’Ighazer. Les données sont encore très faible pour la période qui va de 1000 BCE et 500 CE, mais il paraît déjà évident qu’il devait y avoir des relations a minima de proche en proche. Le fleuve Niger a sans doute joué un rôle de diffusion culturelle entre la zone de la forêt et le Sahel, comme peut en attester une certaine production de perles nigérianes. Les relations avec Maranda sont aussi évidentes dès le premier millénaire de notre ère, mais il est encore difficile de remonter plus avant dans le temps à cause des modes vie essentiellement pastoraux au Sahara central. Et les relations avec le Soudan sont encore largement à préciser, de même que les relations entre l’Aïr et le Kawar, voir le Lac Tchad.

    Pour ce dernier, l’influence septentrionale ne fait pas de doute, mais celle plus orientale doit aussi questionner. Vikor, par exemple, note que l’utilisation du chameau a pu se répandre de la région du Nil moyen vers le Darfour et le Tibesti plus le Sahara central, plutôt que par l’Afrique du nord romaine (Vikør 1999). des chameaux et des dattes, deux éléments qui structurent le Sahara et dont il va nous falloir aborder l’introduction dans notre plaine.

    A cette époque, la culture pastorale des porteurs de lances est présente en Aïr, tout au moins durant le premier millénaire avant notre ère, à Iwelen jusque vers 200 BCE (Roset 1984). Ces derniers accédaient aussi durant ce millénaire à un bouleversement social entraînant une certaine hiérarchisation, renforcée par l’adoption du cheval et du char comme outils d’apparats, très certainement en provenance du Fezzan. Christian Dupuy y voyait une réponse à un besoin de renforcer leur puissance vis à vis des peuplades sahéliennes (Dupuy 2011), mais on pourrait peut-être y adjoindre aussi un besoin d’éviter les razzias garamantes, qui dès lors se rabattirent sur les troglodytes en direction du Lac Tchad et du Tibesti où les porteurs de lances sont très peu représentés. Dans tous les cas, des contacts semblent établis sur le premier millénaire BCE, puisque l’on trouve des porteurs de lances sur les rupestres du Fezzan, mais aucun lien ne semble établis, très faute de recherches suffisantes, pour le début de notre ère.

     


    Références

    Dupuy C. 2011 – Quel peuplement dans l’Adrar des Iforas (Mali) et dans l’Aïr (Niger) depuis l’apparition des chars ?, Société d’études et de recherches préhistoriques des Eyzies, (60), p. 25‑48.
    Fentress E. 2011 – Slavers and chariots, in Money, trade and trade routes in pre-Islamic North Africa no 86, The British Museum Press, p. 65‑71.
    Haour A. 2017 – What made islamic trade distinctive, as comparted to pre-islamic trade, in Trade in the Ancient Sahara and beyong - Mattingly, Cambridge University Press, p. 80‑100.
    Lange D., Berthoud S. 1977 – Al-Qasaba et d’autres villes de la route centrale du Sahara, Paideuma, 23, p. 19‑40.
    Larcher 1850 – Histoires d’Hérodote : livre IV : Melpomène, Trad. du grec, Paris, Charpentier Librairie editeur.
    Le Cœur M. 1985 – Les oasis du Kawar. Une route, un pays. Tome 1, Le passé précolonial, Etudes nigériennes 54,1, 136 p.
    Le Sourd M. 1946 – Tarikh el Kawar, Bulletin de l’I.F.A.N, SérieB (8), p. 1‑54.
    Lhote H., Gado B. 1979 – Les gravures de l’Oued Mammanet, 430 p.
    Liverani M. 2000 – The Garamantes: A Fresh Approach, Libyan Studies, 31, p. 17‑28.
    MacDonald K.C. 2011 – A view from the south, in Money, trade and trade routes in pre-Islamic North Africa no 86, The British Museum Press, p. 72‑82.
    Magnavita S. 2017 – Track and trace : archemétric approches ti the study of early trans-saharan trade, in Trade in the Ancient Sahara and beyong - Mattingly, Cambridge University Press, p. 393‑413.
    Mattingly D. 2011 – The Garamantes of Fazzan, in Money, trade and trade routes in pre-Islamic North Africa no 86, The British Museum Press, p. 49‑60.
    Mattingly D., Gatto M.C., Ray N., Sterry M. 2019 – Burials, migration and identity in the ancient Sahara and beyond, Trans-Saharan archaeology: Volume 2, Cambridge University press.
    Mattingly D. et al. 2017 – Trade in the Ancient Sahara and Beyond, Cambridge University Press, 449 p.
    Mauny R. 1961 – Tableau géographique de l’ouest africain au moyen âge, Swets & Zeitlinger, 587 p.
    Mauny R. 1962 – Protohistoire et histoire du Ténéré du Kawar et des régions voisines, Arts et métiers d’Afrique, p. 295‑303.
    Paris F., Roset J.-P., Saliège J.-F. 1986 – Une sépulture musulmane ancienne dans l’Aïr septentrional, Compte Rendu de l’Académie des sciences, t. 303, Série III, no 12, http://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/pleins_textes_5/b_fdi_18-19/23509.pdf.
    Pline l’Ancien 1855 – Histoire naturelle, traduit par Emile Littré, Collection des Auteurs latins, Paris, France.
    Roset J.-P. 1984 – Iwelen, un site archéologique de l’époque des chars dans l’Aïr septentrional, au Niger, Libya Antiqua, p. 43.
    Vikør K.S. 1999 – The oasis of salt: the history of Kawar, a Saharan centre of salt production, Bergen studies on the Middle East and Africa, Bergen, Norway, Centre for Middle Eastern and Islamic Studies, 342 p.