L'Aïr géographique correspond au massif montagneux du Nord Niger, mais on dénomme plus communément les montagnes et ses dépendances territoriales politiques, comme Ayar ou Sultanat de l’Ayar, pour bien signifier que son rayonnement dépasse la montagne bleue. L’Ayar s’étend donc sur la plaine de l’Ighazer à l’ouest, sur une partie de la Tamesna au nord-ouest, jusqu’au Damergou au sud qui en est la réserve céréalière, ainsi que sur l’Ader au sud-ouest depuis la fin du XVIIè siècle et la mise en place d’une chefferie issue du Sultanat. A certaines périodes, il s’étendit même sur le Ténéré et le Kawar.
Le récit historique de ce royaume, tant par les traditions orales que les manuscrits écrits est encore bien floue sur la genèse des événements qui jalonnent cette histoire. En cause, une destruction un peu louche de la bibliothèque du Sultanat au désastre de Krip-Krip en 1830, louche car le Sultanat se serait déplaçait vers le sud avec toute sa bibliothèque. N’était-ce d’ailleurs pas une fuite, pour prendre sous sa tente toute la bibliothèque du Sultanat ? Toujours est-il qu’il fut, à ce moment là, assailli par les Kel Gress qui brûlèrent la tente du Sultan et donc toute sa bibliothèque rédigée depuis le XVè siècle (Urvoy 1934). D’autant plus étrange que l’on sait aujourd’hui que les manuscrits rassemblés par Urvoy et connus sous le nom de « Chroniques d’Agadez » ont été réécrits au début de la colonisation française et diffusés jusqu’à Sokoto (Rossi 2016). Cela ne signifie pas que le récit soit complètement faux, mais qu’il a dû néanmoins subir quelques arrangements mettant en valeur les besoins de ceux qui tenaient alors la plume (Rossi 2016). Aujourd’hui encore, l‘inventaire des manuscrits anciens reste à faire au Sultanat, mais aussi dans les bibliothèques privées d’Agadez qui renferment à coup sûr des éclairages importants sur l’histoire de l’Ayar. Une partie de cet héritage de précieux livres, qui étaient conservés dans les mosquées ou les maisons des érudits, ont également été perdus lorsque tout l'Aïr au nord des massifs centraux a été nettoyée par les patrouilles de chameaux français après la rébellion de 1917 (Rodd 1926).
Les communautés en place
Durant la période du Domaine de Maranda (Vè-XIè siècle), les caravanes commerciales faisant la liaison entre Égypte et boucle du Niger passent principalement par le sud de l’Aïr. Avec le Royaume de Tigidda (XIIè-XVè siècle), ces routes sont réorientées à travers la Sahara central. L’Ighazer est alors occupée par les Messufa qui, durant cette période, gère la liaison commerciale par le Sahara central. Le développement du Sultanat de l’Ayar, au début du XVè siècle et surtout au XVIè siècle, va réorienter une nouvelle fois ces routes par le sud du massif, mais va aussi développer la relation nord-sud entre tripolitaine et Kasar Hausa. D’autres groupes berbères sont présents dont les Igdalen, religieux et pacifiques, qui seraient les premiers venus vers le VIIIè-IXè siècle.
Pendant la période du Royaume de Tigidda qui rayonna sur l’Ighazer et le sud de l’Aïr, des groupes Touareg en provenance du nord et du nord-est, mais aussi à travers le Ténéré, pénètrent l’est et le nord du massif. Ils trouvent sur place certaines populations autochtones dont les stratégies seront soit de migrer hors du massif, soit de se grouper et se structurer à l’instar des Gobirawa ou encore de rester et de s’inféoder aux nouveaux venus. Ces derniers n’ont sans doute pas une stratégie de conquête affirmée par une tribu suzeraine et on peut suggérer que la cohabitation fut assez équitable. C’est peut être cette réunion de communauté touarègues non suzeraines qui donnera naissance au système des Igholan, marquant ainsi une équité politique atypique en milieu tamasheq entre tous les chefs de tribus. L’ouest de l’Aïr est alors occupé par les Kel Gress venus du Sahara central vers le XIIIè siècle, ainsi que les Iberkoreyan, Isheriffen venus des Ifoghas probablement un siècle plus tôt. Enfin, au sud de l’Aïr on trouve les Iteseyen dont l’origine probable est également Ifoghas si on se réfère aux Iticen d’Ibn Khaldoun (Baron de Slane 1982). Au cours des XVè et XVIè siècle, les groupes Kel Ferwan commencent à s’infiltrer par le nord de l’Abzin en provenance des Ajjers.
Cette géographie des populations montre que les cités d’Agadez, d’Anisaman et de Tadeliza sont à la confluence de trois confédérations Touaregs. Les Iteseyen ou Sandal, les Messufa ainsi que les Kel Gress. On peut supposer qu’au début du XVè siècle, les Kel Owey sont encore un peu en retrait et pèse moins dans le jeu politique de l’Ayar.
Henrich Barth nous rapporte également une tradition de 5 tribus, chassées de la ville d’Agadez par Askias Mohamed. Celles des Gourara de Taouat, des Tafimata, les deux subdivisions berbères des Béni Wasit et des Tesko, demeurant à Ghadames, la tribu autrefois nombreuse et puissante des Masrata et enfin celle d'Aoudjila. Ces populations étaient donc issues de cinq contrées différentes, séparées les unes des autres par des régions immenses (Barth 1863). Au delà des noms de tribus, cette liste offre une envergure géographique d’origine des populations d’Agadez qui reflète peut être plus la période du milieu de XIXè siècle et la vocation cosmopolite de la ville, carrefour entre Soudan et Berbérie.
De l’Adrar des Ifoghas
Les manuscrits du sultanat, connus sous le nom de Chroniques d’Agadez (Urvoy 1934), sont très clairs sur l'origine du Sultan, il est issu des Kel Sattafan, une tribu des Ifoghas qui nomadisait dans une vallée près de Tademekka, la cité la plus importante de la région. Cette tribu pouvait appartenir aux Kel Essuk, ce qui en ferait des Isheriffen, dont le premier, Yunus qui régnera 20 ans, fut amené en 1405 à Tadeliza, première résidence des sultans de l'Ayar. Il s’installa avec ses tribus dans une forteresse sur les hauteurs du kori Telwa, dont les ruines sont encore parfaitement visibles. Le caractère défensif du lieu et de la construction sont évidents pour Henri Lhote, qui par ailleurs nous amènent deux datations carbone autour des XIVè et XVè siècles (Lhote 1973).
Si l’on s’en tient à ces manuscrits, ce sont 4 tribus Sandals qui amenèrent le Sultan en Aïr, Itissines, Ijadaranine, Izaaranes, Ifadalen, toutes sorties d’Awdjila (Urvoy 1934). Pour Muhamed Bello aussi, elles sont venues d’Awdjila, mais la liste est différente, on y trouve les Amakitan, Tamkak, Sandal, Agdalar et Ajdaranen (Rossi 2016). Il est plutôt douteux que toutes ces tribus soient venues du nord-est et qu’en même temps elles intronisèrent un Sultan venu de l’ouest. Parmi ces tribus, il faut donc admettre qu’il y en certaines que vinrent de l’ouest et qui allèrent chercher un Sultan dans une communauté reconnue par sa piété. Itissines pour Iteseyen et Imakitan qui forment les Sandals, ainsi que les Agdalar pour Igdalen, sont sans doute les tribus venues de l’ouest. Aujourd’hui, les Iteseyen ou Sandal sont les électeurs du Sultan de l’Ayar, les Imakitan, autres Sandals, et les Igdalen dépendent directement de ce même souverain. Il y a peu de traces pour les autres tribus mentionnées, mais a minima les Tamkak sont certainement les Tamgak du nom du massif montagneux au cœur de l’Aïr. La liste de Muhamed Bello est plus ancienne que celles des Chroniques d’Agadez qui furent réécrites en 1907, on pourrait ainsi la prendre pour plus véridique, mais Benedetta Rossi nous a bien montré que sans étude précise sur le contexte d’émergence de ces textes, il est difficile d’être affirmatif (Rossi 2016).
Les Sandals occupent alors le sud du massif et installent le nouveau venu à Tadeliza, le long d’un oued sur un promontoire défensif difficile d’accès. Actuellement, le Sultan possède toujours un jardin en contrebas du fort près de l’oued. On doit bien lire dans ce positionnement, toute la précarité du nouveau régnant, face notamment aux Messufa de l’Ighazer qui ne semblent pas participer à cette intronisation. Les Messufa ont alors plus de relations avec Gao et surtout Tombouctou, mais assez peut avec les Ifoghas dont seraient issus les Iteseyen et Igdalen. Le choix du Sultan est peut être déjà un choix qui ne convient que peu au Messufa. Le positionnement de Tadeliza est donc bien à la croisée des confédérations, Iteseyen au sud-est, les tribus d’Awdjila au nord-est, les Kel Gress sur le Piémont occidentaux de l’Aïr, les Messufa à l’ouest et les Igdalen au sud-ouest. Le Sultan peut alors être vu comme une tentative des Iteseyen, incapable d’imposer leur chef Aghoumbouloum, de faire reposer leur volonté de pouvoir sur un nouveau venu, dont l’élection leur incombe. Les traditions recueillies par Tardivet et Palmer en 1910 rapportent d’ailleurs que seuls les Iteseyen sont responsables de l’acheminement du Sultan dans l’Aïr, certes depuis Stamboul qui reste encore aujourd’hui dans les traditions orales populaires et dont l’introduction dans les mémoire est sans aucun doute postérieure au XVè siècle.
Par la suite, les jeux politiques faisant sans doute leur œuvre, il déménagea à Tanshaman qui est sans doute Anisaman, centre religieux de renom tenu par les Messufa-Inusufan de Takadda. Là encore, le palais est bien visible, à l’écart de la petite ville, et visité également par Henri Lhote (Lhote 1988), mais on peut douter qu’il fut utilisé longuement, car très en dehors de la ville. Il est par contre bien moins massif que celui de Tadeliza, comme si les bâtisseurs ne possédaient pas le même savoir-faire. On pourrait donc y voir un recentrage politique au profit des Touareg de l’Ighazer. Toujours est-il que cette passe d’armes ne dura pas puisque rapidement une entente semble se mettre en place autour des tribus du pacte qui vont construire un nouveau palais à Agadez.
L’architecture et l’archéologie pourraient très certaines nous aider dans notre quête, mais les études de Henri Lhote sont des plus laconiques. Nos travaux sur les constructions anciennes de l’Aïr montrent un ensemble de bâtiments que Francis Rennel Rodd appelé le type A (Rodd 1926), architecturalement de très bonne facture que l’on pourrait mettre en relation avec le palais de Tadeliza nécessitant un savoir-faire que l’on ne retrouve pas à Anisaman ou Takadda. Les traditions orales précisent bien que ces bâtiments en particulier, de pierre et de banco, sont les premiers de l’Aïr bâtis par les Iteseyen. On notera enfin, que les deux palais ont un mur oriental qui pourrait très bien servir de qibla et que l’entrée se fait toujours sur la face occidentale.
Les Messufa occupaient l'Ighazer et les Iteseyen le sud Aïr. Les chroniques d’Agadez mentionnent que ce sont les Messufa qui dominent le pays jusqu’à Berghot (Urvoy 1934), qui est la sortie de l’Aïr vers le Kawar et donc d’une partie sans doute non négligeable du commerce transsaharien, en particulier les caravanes de sel menées par les Gress vers la Kasar Hausa dès le XIVè siècle (Defrémery et Sanguinetti 1858). On peut imaginer qu’il y eu un accord entre Messufa et Iteseyen pour la protection et la patente que ce commerce engendra pour le sud Aïr, mais sans doute peu à la faveur des Iteseyen qui, mécontent, fomentèrent un stratagème pour profiter plus de ce commerce, voir attirer celui passant par le Sahara central. Dans l’historiographie, on ne relève pas de conflit entre ces deux groupes dont l’origine est sans doute commune, par contre les conflits entre Iteseyen et Kel Gress semblent plus présents, même si ces deux groupes ont une proximité évidente de part leur éviction de l’Aïr et migration finale communes.
Un nouveau palais
La situation politique est sans doute difficile entre les Touaregs de la montagne et ceux de la plaine. Alors, vers 1450, un événement important va restructurer profondément les relations entre communautés, c’est la construction d’un nouveau palais à Agadez, où un certain nombre de tribus participèrent autour de ce que la tradition appelle « les tribus du pacte ». Les manuscrits du Sultanat citent les quatre tribus du pacte qui construisent le palais, Lissaouanes, Balkoray, Amiskikines, Amoussoufanes qui sont ceux qui dirigent le pays de Berghot à Tegidda et Aderbissinat (Urvoy 1934). Ce sont pour l’essentiel des tribus de la plaine et il est assez douteux de ne pas y retrouver des tribus de la montagne pour faire pacte. Benedetta Rossi, nous propose de ne pas tenir compte de cette liste, compte tenu que les manuscrits ont été réécrits en 1907 pour favoriser un clan, celui des Lisawan (Rossi 2016). En effet, où sont les Iteseyen qui aujourd’hui encore sont la seule tribu électrice du Sultan ? Est-ce là le pacte, j’élis le Sultan, tu le loges ?
Cette construction, qui aurait était faite sous le règne du Sultan Lisawan au milieu du XVè siècle, marque à coup sûr le nouveau pouvoir politique en Ayar et donc la fin du royaume de Tigidda. Elle marque également l’éviction de la ville des Gobirawa, premiers occupants de la future capitale de l’Aïr, ainsi que celle des Iberkoreyan peu enclin à suivre le nouveau suzerain de l’Ayar. On ne connaît pas les raisons exactes de cette éviction, mais les Iberkoreyan prônent un islam rigoriste et le maintien de la succession matrilinéaire pût en être la cause.
L’éruption de Kuwae en 1452, pourtant de l’autre côté de la planète, a aussi pu jouer un rôle non négligeable dans ces événements, à cause du changement climatique qu’elle entraîna avec une baisse de température sur notre planète de près de 1°C durant 1 à deux années mais avec des répercutions climatiques qui purent durer une à deux décennies (Maley et Vernet 2013). Cette phase de forte aridité au milieu du XVè siècle, qui a pu entraîné l’abandon des habitats dans le Méma et de la majorité des sites au sud du delta intérieur, dont Jenné-Jeno, de même que des sites du Gourma (Maley et Vernet 2013). Plus près de notre zone, c’est avènement des Sonni à Gao, le retour des Sefuwa au Bornou et même le Kasar Hausa voit des changements dynastiques à Katsina et le règne de Rumfa à Kano (Hamani 2008). Cet événement climatique a donc très probablement joué un rôle important dans la fin du royaume de Tigidda, en sus de la baisse de la production de cuivre, et donc la réalisation d’un potentiel pacte tribal.
Vers 1460, Marmol nous précise que la ville d’Agadez est construite et est une étape reconnue du commerce (Barth 1863 ; Pageard 1962). La nouvelle dynastie du Songhay qui émerge du côté de la boucle orientale du Niger avec Sonni Ali Ber ne foulera jamais le sol de l’Ayar, mais les exactions qu’il eut envers les marabouts d’Alfa Goungou, littéralement « le ventre des érudits », virent une partie de cette population rejoindre la ville de Takadda vers 1470 (Houdas 1900), renforçant ainsi le pole religieux des Messufa.
La domination Songhay
La seconde moitié du XVè siècle va ainsi consolider l’ancrage du Sultanat sur l’Ayar en parallèle de la décadence du royaume de Tigidda qui voit son commerce du cuivre décliner avec l’arrivée des portugais dans le golfe de Guinée vers 1480. Sa base arrière autour de l’Adrar des Ifoghas et de Gao vacille également sous l’impulsion de Sonni Ali Ber, qui isole ainsi Takadda et son centre religieux Anisaman.
A la fin du XVè siècle, en 1497, Askia Mohamed effectue son pèlerinage à la Mecque pour devenir le Khalife du Soudan. Peut être en passant par l'Ighazer, la montée en puissance des murailles d'Agadez et de son Sultan lui ont sûrement étaient rapportées et il du déjà constater la décadence de Takadda. Vers 1500, il entreprit une expédition contre Ayar et obligea Tildza à entrer sous son autorité (Houdas 1900). Tildza est peut être le surnom du Sultan Mohamed Ben Abder Rahmane qui fut assassiné en 1502, peut être parce que la soumission à l’Askias n’a pas été du goût de toutes les parties prenantes du pouvoir agadézien (Lhote 1955). Léon l’Africain nous parle d’un tribut de 150 00 ducats (Schefer 1898), dont est pas certain de l’époque à laquelle il a pu être perçu, avant ou après la calamité. Ce sont les fils jumeaux de Faty Mellet qui prirent alors à tour de rôle le pouvoir, jusqu’à ce que leur tomba dessus la calamité de la conquête d’Askias vers 1515.
Le Tarik es Sudan précise que la seconde conquête de l’Askias dura plusieurs mois, à cheval sur les 21è et 22è années de l’hégire (Houdas 1900). Sans doute pas que la conquête militaire fut difficile, mais plus sûrement les tractations pour arriver à un consensus qui ne fasse pas perdre l’honneur aux deux camps ou plutôt aux différentes partie prenantes de l’Ayar. Seul Heinrich Barth nous en dit un peu plus, selon les traditions qu’il a recueilli lors de son passage en Aïr et à Agadez. Les cinq tribus évoquées plus haut, furent chassées d'Agadez par el Hadj Mohammed Askia. Un nombre considérable de Berbères quittèrent alors Agadez avec 500 djachfa ou palanquins, ils furent tous massacrés (Barth 1863).
L’Askias laissera une colonie Songhay à Agadez, sans doute pour percevoir un tribut et vraisemblablement de grande liberté pour faire prospérer le commerce puisque l’histoire du Songhay ne relate pas de faits marquants jusqu’à la fin du XVIè siècle. Avec cet appui du Songhay, Agadez devient le carrefour commercial entre le nord et le sud mais aussi entre l'ouest et l'est. Débarrassée de sa rivale Tigidda, son indépendance ne sera plus remise en cause en Aïr et Ighazer que par la colonisation du XXè siècle. Preuve d'une stabilité politique enfin trouvée, la grande durée des règnes des Sultans durant les XVIè-XVIIè siècle.
Stratégie de succession
Si des listes de la succession des Sultans sur le trône d’Agadez existent bien, elles ne disent pas toujours les modalités qui concourent au choix du souverain. Les systèmes de transmission du pouvoir nous informent autant sur les pouvoirs locaux qui évoluent que sur les groupes de pressions et autres alliances qui peuvent se mettre en place. Sur le trône du Sultanat de l’Aïr, on a donc assister au passage d’une succession matrilinéaire qui est l’apanage des populations touarègues, au système patrilinéaire, apanage de l’islam, encore en vigueur aujourd’hui avec une restriction de taille qui est la condition servile de la mère pour que le Sultan ne puisse favoriser le groupe d’origine de sa naissance.
Le premier Sultan venu de l’Adrar des Ifoghas était un religieux Touareg Insataffan, venu avec sa cour et ses suivants (Urvoy 1936), mais aussi avec ses traditions de succession où l’héritier est le fils de la sœur du Sultan. En cela, rien ne change en Ayar à la suite du royaume de Tigidda où le Sultan Izar était toujours accompagné des fils de sa sœur, ses héritiers (Defrémery et Sanguinetti 1858). Le premier sultan, Yunus (1405-1424), porte le nom de sa mère, Tagag Tahannazaneit, et les successions suivantes du Sultan se firent par leurs frères de même mère ou les fils de leurs sœurs pendant les XVè et XVIè siècles (Hamani 1992). 14 Sultans se succèdent pendant ces deux siècles, très souvent selon la bonne volonté de la tribu électrice les Iteseyen probablement originaire des Ifoghas tout comme la famille royale.
A la fin du XVIè siècle, qui correspond aussi à la fin de l’empire Songhaï, le Sultan Yusuf remet en cause la toute-puissance de la tribu électrice. Durant son règne, il prend pour épouse une femme Kel Owey. A sa mort en 1625, son fils Muhammad al-Tafrij issu de ce mariage devient Sultan, bien qu’il ne devait pas avoir droit au trône. On peut penser qu'il ne fut pas désigné par les Iteseyen, ou que Yusuf le leur avait imposé de son vivant. Quoiqu’il en soit, pour la première fois s'effectuait en Ayar une succession en ligne paternelle sur le trône d’Abzin (Hamani 1992). Malgré l’opposition des Iteseyen, al-Tafrij ne céda pas le trône grâce à l’appui des Kel Owey, qui durent également s’opposer aux Iberkoreyan perdant de l’influence sur le Sultan, car c’est à ce moment là que la guerre sanglante de Hadahada pris fin et vu l’expulsion des Iberkoreyan de l’Aïr. En un siècle, trois sultans se succèdent en lignée paternelle, Agabba succédant à son frère le jour même selon les traditions, indiquant bien que les Iteseyen ne sont pas consultés en cette fin de XVIIè siècle. Au court de ce siècle, les Ouelleminden en Adrar impose la patrilinéarité qui est le système à l’origine de leur arrivée comme groupe dominant en Adrar (Dida 2002). Ce n’est donc pas seulement en Ayar qu’on observe ce changement qualifié de mauvaise tradition par Ibn Battuta.
Au début du XVIIIè siècle, les Kel Owey, renforcés par de nouvelles arrivée de Touareg venus des Ajjers et de l’Ahaggar, poussent encore un peu plus leurs empiétement territorial sur les parcours des Kel Gress et Iteseyen. Mais face à cette expansionnisme, le Sultan Agabba, comprenant peut être la suprématie que les Kel Owey souhaitent imposer, attaque l’entrepôt et le centre commercial des Kel Owey d’Assodé. Les Kel Owey vaincus signent la paix d'Amdid en 1714 (Hamani 1992).
En 1720, les Iteseyen déposent Agabba, l’attaquant d’Assodé, et malgré certains troubles, ce dernier part pour l’Ader mener la chefferie locale. Les Iteseyen reprennent la main sur l’élection du Sultan peut être en échange de son éviction du trône. La succession en ligne paternelle va néanmoins perdurer avec une restriction de taille, désormais, seuls les princes dont les mères étaient esclaves du Sultan pourront prétendre au trône d'Ayar. De nouveau, le Sultan se retrouve isolé politiquement et militairement, la famille royale cantonnée au monde urbain des Agadesawa. Ce système perdure encore, même pas troublé par le départ de l’Aïr des Iteseyen et Kel Gress, ni même par la main mise du colonisateur français, qui nommera toujours les Sultan en respectant cette règle.
Au court de la seconde moitié du XVIIè siècle, se met en place en Aïr un nouveau pôle politique autour des Kel Owey. Il se traduira également par la mise en place de l’Anastafidet qui a les même prérogatives que le Sultan d’Agadez, mais dans la confédérations des Kel Owey (Claudot-Hawad et Hawad 1988). Il est lui aussi d’extraction servile et on peut supposer que la mise en place de ces stratégies de succession se sont nourries mutuellement.
La dynastie des Sultans de l'Ayar
Tous les lieux de résidence des Sultans étaient Agadez sauf pour les premiers, Younous à Tadeliza, Agassane à Anissaman et Illissawan à Anissaman puis Agadez. Même si une liste officielle de la généalogie des Sultans de l'Ayar existe, il est fort probable que les aléas de l'histoire aient apporté leur lot d'omission ou d'erratum, volontaires ou non. Ainsi, certaines périodes de règne de quelques mois voire jours, ne seront pas toujours relatés dans une liste officielle.
Sa Majesté Ibrahim Oumarou (1960-2012)
Sultan Ibrahim ben Oumar Ibrahim fils de Oumarou ben Ibrahim Dassouky ben Ahmet et de Kouwoula est né en 1937 à Agadez. Il abandonne l'école coloniale très tôt au profit des études coraniques. De nature timide et attentif, il arrive rapidement à cerner des jugements, ce qui lui valut une place de choix aux côtés de son père Sultan. Arrivé au pouvoir le 1er Janvier 1961 en remplacement de son père Oumarou qui avec l’Anastafidet Abdou refusèrent l'intégration de l'Aïr dans l'état actuel du Niger préférant un état saharien indépendant (acte jugé grave par le gouvernement de la première République du Niger). L’Anastsfidet Abdou Ekadé sera remplacé par son frère Souleymane Ekadé. Ibrahim Ben Oumarou était président de l'association des chefs traditionnels du Niger(ACTN). Rappelé à Dieu le 21 février 2012, sa mort a endeuillé le pays entier. Sultan par excellence des temps modernes, il a régné sur 7 Républiques de 1960 à 2012, auprès des 9 Présidents qui se sont succédé : Diori Hamani, Seyni Kountché, Ali Chaibou, Mahamane Ousmane, Baré Maïnassara, Daouda Malam Wanké, Tandja Mahamadou, Salou Djibo et Mahamadou Issoufou.
liste recueillie par Ibrahim Alanga en 2014 auprès du chef de village de Ingall - copie conforme à la liste officielle de 2001.
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