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    La Naissance d'In Gall

    L’histoire orale d’In Gall est diversement relatée selon les personnes qui la présente et leurs origines. Entre des récits rapportant que les Isawaghen sont les descendants de l’Askia Mohamed, ou que la fondation d'In Gall est due à des Isheriffen, ou encore issu de l’ancienne Takadda, les données archéologiques viennent compléter ces traditions orales pour aboutir à une structuration des gens d’In Gall qui ressemble fort à celle des confédérations Touareg, c’est à dire une recomposition de groupes éparpillés dans la plaine de l’Ighazer, que l’histoire géopolitique de la région a modelé. Malgré leur sédentarité, on peut alors parler de Kel In Gall. On trouvera quelques éléments du recueil des traditions orales dans cet article complémentaire.


    La fondation de la palmeraie

    A In Gall, la fondation de la ville est liée à celle de la palmeraie. Il ne fait guère de doute que ce sont les palmiers qui ont amorcé la structuration urbaine de la ville. L’introduction du dattier est attribuée à des Isheriffen clairs, venus de La Mecque, accompagnés d'hommes noirs au statut social d'affranchis, les Isawaghen (deux Isheriffen et deux Isawaghen, les chiffres variant selon les informateurs. Ces Isheriffen avaient apporté avec eux de Médine des rejets de dattiers (Bernus 1972). Tout au long de leur voyage, ils creusent un trou puis remettent la terre et à chaque fois la terre remplie le trou. Lorsqu'ils arrivent près d'In Gall la terre retirée remplie le trou et il en reste. C'est pour eux le signe que c'est une bonne terre pour les dattiers, 'inguéné' (= c'est ici) qui serait l'étymologie d'In Gall. Ce terme est d'origine Songhay, il apparaît donc assez peu probable que ce soit les Isheriffen qui en usent pour nommer cette place en y délimitant la première mosquée. Ingall ressemble en Kabyle et en Tamasheq au verbe "il est renversé" ou "il a débordé" pour parler d'un liquide qui se renverse ou déborde d'un contenant quelconque (verre, coupe, rivière, etc,) ce qui peut correspondre au fait qu e la terre déborde du trou recevant le rejet. Même s’il n’est pas encore possible d’attribuer à l’Arabie l’origine des palmiers d’In Gall, il n’y a pas de difficulté pour garder vivace sur de longue distance des rejets de dattiers, il suffit pour cela de l’envelopper dans un linge que l’on maintient humide, technique encore employée de nos jours.

    Selon les informateurs les noms des 2 Chérifs varient également, Aghallum et Almazgou pour certains ou Kalbi et Nazibou pour d’autres. L'on peut donc établir un lien simple entre cette tradition orale et le groupe des Isheriffen actuel d'In Gall, mais comme la généalogie est perdue on peut douter d’un lien aussi direct. On notera également, que dans l'Ighazer, les Igdalen qui sont installés depuis plusieurs siècles dans la plaine, sont aussi des Isheriffen, et même si on a pas encore établi de lien entre ces groupes d’Isheriffen, tout comme avec les Isheriffen Iberkoreyan, une scission au sein de ces différents groupes de même origine n'est pas non plus impossible. Les Isheriffen d’In Gall revendiquent une parenté avec les Isheriffen fondateur d'Agadez mais aussi avec les Igdalen de la plaine considérés comme des Isheriffen car pieux musulmans, mais aussi avec des Inusufan qui à la fin du royaume de Tigidda étaient reconnus comme porteur d’un islam puritains.

    Mes travaux de recherches actuels m’amènent à considérer que les Isheriffen de l’Ighazer sont, pour l’essentiel venus du nord-ouest et en particulier du Tafilalet marocain, par ailleurs connu pour la qualité de ses dattes molles comme la Mejdoul. On peut donc suggérer qu’ils purent arriver en Ighazer avec des rejets de dattiers, ce qui placerait la fondation de la palmeraie vers les VIIIè ou IXè siècle. Un autre élément des traditions orales rapporte que les Isheriffen achetèrent cette terre au Sultan d'Agadez pour être certains que dans cette contrée de nomades personne ne la leur reprenne, le poids en or de cet achat variant d'un récit à l'autre. Cette pratique d’acheter une terre n’est pas habituelle en pays nomades targui, elle se retrouvera d’ailleurs lors de la construction du palais du Sultan de l’Ayar, les bâtisseurs achetant l’emplacement aux Gobirawa alors fondateurs d’Agadez. De fait, la propriété de la terre devenait inaliénable et probablement que les Isheriffen se mettaient aussi sous la protection direct du Sultan, ce qui est toujours le cas pour les populations Igdalen comme les habitants d’In Gall. Même si la tradition orale évoque le Sultan d’Agadez, un autre chef des croyants avait régné en Ighazer à partir du XIIè siècle, la Sultan du royaume de Tigidda, un Messufa dont la capitale était Takadda, visité par Ibn Battūta au milieu du XIVè siècle.

    Les Isheriffen furent ainsi les premiers à s’installer sur le promontoire d’In Gall et tracèrent la première mosquée sur l’emplacement de l’actuelle « ancienne mosquée » qui matérialise le point haut de la ville. Ils sont très certainement ceux qui amenèrent la variété de datte qui fait la réputation de In Gall et célèbre dans tout le Niger, Almadeina, littéralement qui vient de Médine, fierté locale qui avec le sel allait devenir le revenu principalement de ces populations.

    Selon les sources, les Isheriffens furent ou non accompagnés d'esclaves qui pourraient être aujourd’hui parmi les descendants des Isawaghen. Ceci semble peu probable, car les populations gardent fortement les interdits de mariage entre elles, et la mémoire ne garde pas de population servile auprès des Isheriffen de l’Ighazer.


    La naissance des Kel In Gall

    La naissance de la ville et de sa communauté est le résultat de l’évolution de la situation politique au XVè siècle en Ighazer. La mise en place du Sultanat de l’Ayar au début de ce siècle évincera politiquement le royaume de Tigidda dès le milieu de ce siècle avec la construction du palais du Sultan à son emplacement actuel à Agadez. Si la fin brutale du royaume messufite est parfois relatée, elle est surtout le produit d’une lente dégradation économique, avec la fin de la rentabilité de l’industrie du cuivre, un commerce transsaharien moribond peut être à cause de la peste noire qui sévit en Europe et Afrique du nord dans la deuxième moitié du XIVè siècle, mais aussi par la volonté des Touaregs de l’Aïr de s’émanciper du pouvoir de la plaine. En fin, le milieu du XVè siècle est aussi marqué par l’éruption volcanique du Kuwae avec une retentissement climatique mondial qui pu amplifier des situations économiques et sociales dégradées.

    Peu à peu donc, au courant du XVè siècle, Azelik-Takadda voit ses habitants la déserter, Inusufan et Imesdraghen en particulier, au profit des centres périphériques du royaume comme Anisaman, Tegidda n’Tesemt et In Gall, mais aussi vers la capitale qui s’éveille Agadez. Anisaman deviendra un pole religieux important des Inusufan, mais sans doute avec assez peu de population et perdurera jusqu’au XVIIè siècle. In Gall et Tegidda n’Tesemt recevront les populations qui sans doute durent perdre autant leur influence que leurs ressources premières et notamment leur troupeau, incitant une partie à se sédentariser autour des activités du sel et des dattes. Une autre partie poursuivra le pastoralisme avant de quitter la plaine vers l’Azawagh, là aussi très certainement autour du XVIIè siècle.

    Tegidda n’Tesemt était très certainement en activité à cette époque, puisque les traditions orales rappellent bien leur découverte au temps de ce royaume. L’arrivée de populations réfugiées de l’ancienne Takadda, va sans doute renforcer la production des salines devenues alors vitale pour ces populations, mais sans doute pas suffisante, incitant certaines à poursuivre vers le sud et notamment du côté de In Gall où quelques Isheriffen entretiennent des dattiers. Les alliances se nouent et le site de Tebangant près d’In Gall semble alors abandonné au profit de la palmeraie. Ainsi se mit en place, très certainement dans le courant de la seconde moitié du XVè siècle, les premières populations de la ville qui aujourd’hui forment les Kel In Gall. Mais d’autres apports de populations sont possibles et notamment à l’apogée de l’empire Songhay, mais aussi la ville pouvant avoir servit, comme actuellement, de refuge à des populations nomades déshéritées.

    Askia Mohamed aurait, selon la tradition orale, abandonné une partie de ses gens fatigués à In Gall lors de son pèlerinage à la Mecque vers 1497. Certains parlent de 18 personnes d’autres d'une trentaine. Ces gens, semble t-il, sont des enfants et des vieilles, c’est pourquoi après le décès des plus vieux les enfants ne savent pas trop leur origine, ils ne connaissent que l'Askia Mohamed. De retour de la Mecque, Askia se trompe de chemin et ne retrouve plus ses sujets. Askia Mohamed a fait deux autres passages en Ighazer afin de soumettre la ville d'Agadez, en 1500 tout d'abord, puis en 1517 ou il séjourna près d'une année aux abords de la capitale de l'Aïr. L'armée de l'Askia Mohamed étant composée essentiellement d'esclaves et de prisonniers, il est possible qu'une partie ai été laissée sur place aux abords d'In Gall. Ceci pouvant expliqué que personne à In Gall ne se réclame de la descendance de l'Askia Mohamed. Ce dont nous informe l’imam de In Gall, lorsque Askias a quitté l’ouest, il trouve des Isheriffen et des Isawaghen à In Gall, il est parti à la Mecque et il a laissé beaucoup de ses gens (Nicolaï 2023). Urvoy reprend cette origine en précisant que, à In Gall tout comme à Agadez, ce sont des noyaux de population Songhay qui représentent des petites colonies commerçantes sur la voie Gao Aïr Égypte (Urvoy 1936). D’ailleurs, on sait que pour gérer un tel empire, les pouvoirs centraux laissent dans les pays les plus reculés de leur royaume, des population pour s’assurer la la bonne diligence de ce pays.

    Les Inemegrawen ne sont pour ainsi dire quasiment jamais cités dans les traditions recueillies au court du XXè siècle, essentiellement parce que, vu de l’extérieur et notamment par les traducteurs Touaregs, ce groupe n’en est pas véritablement un, c’est plus une construction de familles éparses qui unissent leur effort pour survivre. Mais n’est-ce pas d’ailleurs l’une des formes originelles de création de plus grand groupes en milieu nomade ? Toujours est-il que ce groupe, éleveurs, habitants de la brousse joignirent les populations d’In Gall, mais il est difficile de savoir quand exactement, potentiellement lors d’événement climatique ou politique qui leur fit perdre leurs troupeaux, les incitant ainsi à se sédentariser autour de la palmeraie. On a déjà noté par ailleurs l’éruption volcanique de Kuwae au milieu du XVè siècle, entraînant potentiellement de grandes sécheresses au Sahara. Pour Alawjeli, ils sont venus de l'ouest avec les Ouelleminden (Alawjeli et Prasse 1975), mais ce dernier parlent de ceux encore en Azawagh.

    Aujourd’hui les Inemegrawen de l’Azawagh constituent une tribu autonome importante, plus de 300 personnes rattachées au 3ème groupement. Elle est composée d'éléments disparates à la frange de plusieurs tribus, et elle ne forme pas un tout homogène. Inemegrawen vient de egeru qui signifie trouver, et anemegrew, le fait de se trouver l'un l'autre (Foucauld cité par Bernus 1974). Ces Inemegrawen sont reconnus comme faisant également partie d’une tawshit issue d'une femme Tarfa ayant épousé un homme venu de l'ouest, issu des Immededren, parents des Illabakan. Ils nomadisent à une trentaine de kilomètres au sud d'In Aggar. On pourrait opposer des relations horizontales aux précédentes: tout d'abord, les Illabakan ont conscience de former une même tribu avec les Tarfa, qu'ils ont trouvés à leur arrivée dans l'Azawagh, et qu'ils intégrèrent par mariages successifs. Les Tarfa ont aujourd'hui été absorbés, et seuls quelques individus se définissent encore comme Tarfa en filiation patrilinéaire. Ils vivent dans le groupe occidental, à Gharo et Shin Salatin, et leur nom n'apparaît sur aucun recensement. Tout ce ci peut nous amener à penser que les Inemegrawen pourraient aussi être des populations ayant été présente en Ighazer et Azawagh bien avant les populations Ouelleminden actuel, et pourraient constituer une sorte de population relictuelles, qui fut peut à peut assimiler, chez les Ouelleminden comme chez les Kel In Gall.

    En fin de compte, on retrouve dans la fondation de la communauté des Kel In Gall, les même schémas qui conduisent à la fondation d'un groupement Touareg au Sahara, c'est à dire une agglomération de population de plusieurs origines, qui se fait au grès des événements historiques. On peut d’ailleurs voir en la sédentarisation des Ighawallen au sud de la ville, qui forment le quartier récent d’Ebrik, une poursuite de cette construction urbaine des Kel In Gall. Les Ighawallen sont des anciens esclaves affranchis du groupement des Kel Fadey, qui ont formé leurs installations dans les années 70-80, période de grandes sécheresses, desquelles ils ont perdus leurs troupeaux. Aujourd’hui, leur quartier est parti intégrante de la ville, ils développent des jardins qui s’étoffent d’année en année et acquièrent ainsi la culture oasienne en l’espace d’à peine deux générations. Intégreront-ils à terme le langage spécifique des Isawaghen, cela est bien moins certain, car la palmeraie d’In Gall n’est plus aussi isolée du monde comme ce fut encore le cas il y a 50 ans, elle est désormais reliée au monde à travers les satellites.


    Histoire de chefferie

    A la suite de la fin du royaume de Tigidda, la tradition orale rapporte un changement dans la détention du turban de la chefferie. Les inusufan, maîtres de Tigidda, perdent le turban au profit des Imesdraghen, notamment à Tegidda n’Tesemt. A In Gall, ce serait la création de la mosquée qui permis aux Isheriffen et aux Imesdraghen de conclure un accord selon lequel le chef de village est nommé parmi les Isheriffen et l’Imam parmi les Imesdraghen. Cela est respecté jusqu’à ce jour, les chefs de villages étant nommés par le Sultan d’Agadez.

    Une étymologie possible du nom de Ingall qui reste à confirmer, le mot sonne comme les mots "on jure" en berbère et pourrait correspondre à un endroit ou un serment a été prononcé, ce qui permet de suggérer que l’alliance entre les différents groupes Isawaghen a fait l’objet d’un serment, peut être celui qui répartit les pouvoirs politique et religieux entre Isheriffen, Imesdraghen et Inusufan.


    Les Isawaghen

    Les issawan sont des bas-fonds dans l’Azawagh ou, comme en Aïr, des cuvettes naturelles au débouché des vallées où stagnent les eaux (Gagnol 2009). Issawan est le pluriel du mot essiwi qui signifie mare d'eau. Il se pourrait bien que le mot essawagh singulier de issawaghen ait un lien avec essiwi (Maha 2024). D’ailleurs, on trouve parfois dans la littérature que les habitants d’In Gall et d’Agadez sont dit Essawa (Bonte 1970). Issawaghen pourrait donc être une construction à partir de ce mot, dans le sens de "ceux des mares" comme la mare originelle de Tegidda n'Tesemt en serait la matérialité, traduisant ainsi la fonction de saunier, très en lien donc avec l’origine même des Isawaghen d’In Gall et de Tegidda n’Tesemt. Pour Bernus, leur nom viendrait de Azawagh, qui veux dire en Tamasheq "qui protège". Pour les Touareg tout celui qui arrive à In Gall est protégé (Bernus 1981).

    Aujourd'hui, l'ensemble des habitants autochtones d’In Gall se reconnaissent sous le vocable de Isawaghen. Ils ont les même descendants, parlent la même langue et ont la même culture. La communauté Isawaghen est composée de 4 groupes, aujourd'hui fortement imbriqués du fait des mariages et difficiles à distinguer. Les différents écrits et recherches sur In Gall ne mentionnent jamais le groupe des Inemegrawen qui nous est rapporté par les inusufan, le confondant le plus souvent avec le terme générique Isawaghen. L'ensemble de ces 4 groupes formant la communauté des Isawaghen, ou Kel In Gall. Ce sont des sédentaires, estimés à 6002 habitants par la commune rurale d’In Gall en 2006 (LUCOP 2006).

    Les habitants d’In Gall et Tegidda n’Tesemt parlent la Tasawaq, langue qui possède un fond Songhay avec de fortes influences Tamasheq (Lacroix 1980). La Tasawaq est proche de l'Emghedeshie qui était encore parlée au XIXè siècle à Agadez. Ces deux idiomes se sont certainement construits à partir de celui de Takadda et la sédentarité qui les caractérise a permis de renforcer leur différenciation linguistique.

    Enfin, on notera le caractère intermédiaire de ces population, dit « amadellel » par les Touaregs, dillali par les Hawsa et les Peuls, terme issu d'une racine arabe commune, que les différents parlers incorporent avec leurs règles propres. C'est un personnage reconnu, qui paye patente, touche une commission sur les ventes, donnée par l'acheteur, mais dont le rôle essentiel est de servir de garant de la transaction (Bernus 1974). Cette fonction s’exerce toujours lors de la cure salée ou simplement au marché aux animaux d’In Gall.


    Kel In Gallrelevé personnelrelevé des traditions orales
    Isherifen

    ce sont des Igdalen clairs, qui habitent près de Takachi (ancien marché)

    ce sont les fondateurs de la ville et tenant du pouvoir politique, ils amenèrent la célèbre variété de datte Almadeina.
    Imesdraghen ils ont une parenté avec les gens de la brousse, ils habitent le quartier Attaram lors de la destruction d'Azelik-Takadda, ils récupèrent le turban de la chefferie, au détriment des Inusufan qui le possédait avant, ils vivaient à Tadragh près de Takadda, et avaient une vie sans doute plus nomade que sédentaire. Ils seraient venus de Fez au Maroc.
    Inussufan sont venus à In Gall par la piste des pierres, ce sont des musulmans qui prônent la paix, qui habitent le quartier de Agafaye seraient les véritables descendants des Masūfa, également présents à Agadez au moins jusqu'au XVIè siècle, venus par l'ouest de Tademekka et serait les fondateurs de Takadda et détenteurs de la chefferie. Ils finirent par être dispersés en Ighazer et Azawagh.
    Inemegrawen

    qui viennent de la brousse, habitent le quartier Agazir Béré, ce sont des éleveurs

    une tribu Inamagrawan existe entre In Aggar et Tamaya, elle serait de composition récente, ce sont des tributaires des Kel Nan. Le terme d'Inamagrawan implique une composition disparate, car il vient du nom verbal anmegraou "le fait de se trouver réciproquement l'un l'autre" (Bernus 1970 ; Bernus 1976).


    Chronologie des événements

    Si la fondation de la ville d’In Gall et de sa communauté est à placer au XVè siècle, en parallèle de la fin de Tigidda et de la naissance du Sultanat de l’Ayar, on peut penser que les premières communautés Isheriffen de l'Ighazer sont celles qui amenèrent le palmier dattier aux abords du kori. Il n’est pas possible de préciser une date, entre la fin du premier millénaire et le début du suivant qui, avec le royaume de Tigidda atteste très certainement d’une culture du dattier à Takadda même modeste. Durant le royaume de Tigidda, il n’est pas impossible que la petite cité d’In Gall ne reçoivent quelques populations qui s’agrègent autour de la ressource en eau. Ce peut être le cas des populations dites Inemegrawen, qui peuvent être considérée comme des populations relictuelles, peut être à dominante songhay, et qui se trouvent sans doute bousculer par les arrivées régulières de populations Touareg en Ighazer, sous domination des Messufa.

    Le XVè siècle, et très certainement la seconde moitié de ce siècle, verra ainsi le renforcement des populations autour des palmiers d’In Gall mais aussi des salines de Tegidda n’Tesemt. On n’oublie pas qu’une partie des ces populations se retrouvent aussi aux côtés du Sultan d’Agadez qui est encore aujourd’hui leur suzerain direct. Les Inusufan perdent la chefferie de Takadda et ce sont les Imesdraghen et Isheriffen qui assument les pouvoirs religieux et politique à In Gall. A la fin de Takadda la tradition nous rapporte que c’est un jeune garçon Imesdraghen qui récupère le turban de la chefferie, mais aujourd’hui ce sont bien les Inusufan qui dispose de cette chefferie sur Tegidda n’Tesemt, signe peut être que la succession matrilinéaire était toujours en vogue. Enfin, l'Askia Mohamed a été sans doute l'un des premiers souverains à passer par l'Aïr au début du XVIè siècle et a ainsi pu laisser quelques population, ne serait-ce que pour maintenir son influence locale, potentiellement aussi à In Gall, même si aucunes traces de ces descendants n’existent en Ayar.

    Pour conclure et ouvrir quelques perspectives, Tilmaltine nous parle de Tabelbala, autre palmeraie qui parle un Songhay septentrional et don les termes s’appliquent très bien à notre palmeraie de l’Ighazer.

    Ce qui frappe dans le cas de Tabelbala, c’est la coexistence – plus ou moins pacifique – entre ces diverses langues, cultures et ethnies, mais c’est surtout aussi l’étonnante communauté du destin de ces populations, issues d’horizons divers, mais unies par une langue, qui semble constituer une synthèse de leurs différents idiomes d’origine. Le point donc important à retenir est que la langue songhay septentrional n’est pas liée à une ethnie bien définie (Tilmatine 1996).

    Tout comme In Gall, cette petite ville constituait une halte bienvenue sur les routes transsahariennes. L’existence d’une langue comme le songhay dans une région si septentrionale ne peut s’expliquer que par d’anciennes relations commerciales, touchant surtout le sel et les dattes, entre des populations sédentaires et des populations nomades (Bernus et Bernus 1972). Nicolaï avance comme argument supplémentaire, le fait que la langue songhay soit également parlée par la population blanche du groupe linguistique du Nord-songhay (Igdalen, Iberogen et Idaksahak), qu’il décrit comme étant des « tribus maraboutiques pacifiques et fermées ». Ces tribus, qui ne disposent pas d’un poids guerrier auraient, reconquis une partie de leur prestige perdu dans le commerce et la propagation de l’islam. C’est ainsi qu’elles auraient adopté le songhay. Relevons à cet effet que les familles maraboutiques constituent depuis le XIè siècle des proportions importantes de la population Belbalie. Le fondateur de la ville la plus importante, Sidi Zekri, était lui-même un marabout très vénéré par la population (Tilmatine 1996). Les liens entre ces deux palmeraies ne sont pas plus établies que cela, mais autour du dattier, du sel et du cuivre marquent bien une limite d’influence septentrionale et orientale qui méritera plus de débat.

     


    Références

    Alawjeli G. ag-, Prasse K.-G. 1975 – Histoire des Kel-Denneg avant l’arrivée des Français, Copenhague, Danemark, Akademisk Forlag, 195 p.
    Bernus E. 1970 – Espace géographique et champs sociaux chez les Touareg Illabakan (République du Niger), Études rurales, 37 (1), p. 46‑64.
    Bernus E. 1972 – Les palmeraies de l’Aïr, Revue de l’Occident musulman et de la Méditerranée, (11), p. 37‑50.
    Bernus S. 1972 – Henri Barth chez les Touaregs de l’Aïr, Études nigériennes, Niamey, Centre nigérien de recherche en sciences humaines, 195 p.
    Bernus E. 1974 – Les Illabakan (Niger) : une tribu touareg sahélienne et son aire de nomadisation, ORSTOM, 116 p.
    Bernus S. 1976 – Stratégie matrimoniale et conservation du pouvoir dans l’Air et chez les Iullemmeden, Revue de l’Occident musulman et de la Méditerranée, 21 (1), p. 101‑110.
    Bernus S. 1981 – Relations entre nomades et sédentaires des confins sahariens méridionaux : essai d’interprétation dynamique, Revue de l’Occident musulman et de la Méditerranée, (32), p. 23‑35.
    Bernus E., Bernus S. 1972 – Du sel et des dattes : introduction à l’étude de la communauté d’In Gall et de Tegidda-n-tesemt, Études Nigériennes no 31, IRSH, 130 p.
    Bonte P. 1970 – Production et échanges chez les Touareg Kel Gress du Niger, , S. l., S. l., s. n., inédit, 398 p.
    Gagnol L. 2009 – Pour une géographie nomade. Perspectives anthropogéographiques à partir de l’expérience des Touaregs Kel Ewey (Aïr – Niger), , Université de Grenoble I, inédit, 723 p.
    Lacroix P. 1980 – Emghedesie : Songhay language of Agades, Itinérances, 1, p. 11‑19.
    LUCOP 2006 – Monographie de la commune rurale d’In Gall.
    Maha I. ag 2024 – Issawan, communication personnelle.
    Nicolaï R. 2023 – Le caravansérail de la vie - Contes et récits sahélo-saharien, L’Harmattan, 246 p.
    Tilmatine M. 1996 – Un parler berbero-songhay du sud-ouest algérien (Tabelbala): éléments d’histoire et de linguistique, Études et Documents Berbères, (14), p. 163‑197.
    Urvoy Y. 1936 – Histoire des populations du Soudan central (Colonie du Niger), Paris, France, Larose, 350 p.