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    Tasawaq et Tagdalt

    Man nin kani

    (signifie "comment ton sommeil" = bonjour)

    Les populations sédentaires d'In Gall et de Tegidda n'Tesemt ont un parlé très spécifique, à base Songhay incluant beaucoup de vocabulaire Tamasehq et Arabe, la Tasawaq parlée par 7 à 8 000 locuteurs. C'est une des dix langues nationales du Niger, même si cette dernière est très confinée. Cette langue fait partie d'un groupe de langue présentes dans la campagne nigérienne, notamment la Tagdalt parlée par les Igdalen (6 000 locuteurs), ayant un mode de vie Touareg (semi-nomadisme) au cœur de l'Ighazer. Du coté de Tahoua et Abalak on trouve aussi cette principale variante qui intègre, encore plus que la Tasawaq, un vocable Tamasheq, mais aussi d'autres parlés proches comme la Tabarog parlée par les Iberogan, tribus dite dépendantes des Igdalen.

    La Tasawaq et l'ensemble de ces parlés d'origine Songhay, sont classés dans le Songhay septentrional. Cette langue de plus en plus absorbe un vocabulaire Hausa, qui est la langue économique du pays, entraînant ainsi toute une partie de vocable aux oubliettes des cultures.


    Carte des langages du songhaï septentrionalLe Songhay septentrional

    Le Songhay septentrional renferme plusieurs parlés proches géographiquement centrés sur le Nord Mali et Nord Niger, de Ménaka pour le Tadaksahak, jusqu'à la Tasawaq d'In Gall, en passant par la Tagdal des Igdalen et la Tabarog des Iberogan.

    Il renferme également le Korandjé parlé uniquement dans la palmeraie de Tabelbala en Algérie dans l'ouest Algérien par environ 1000 locuteurs. Lameen Souag fait d’ailleurs une hypothèse intéressante entre cette palmeraie et celle d’In Gall avec comme vecteur les Sanhadja Messufa (Souag 2020).

     

    En voici une représentation selon Nicolaï, les populations de la Tabaroq et de la Tagdalt ont été revues selon les données de 1981 (Bernus 1981).

    les parlés nomadesles parlés sédentaires

    Tadaksahak

    Tihishit

    Tasawaq

    Korandje

     

    Tagdalt

    Tabarog

    Ingelshie

    Emghedeshie

     

    Ménaka

    Ighazer

    Abalak

    In Gall

    Agadez

    Ouest Algérie

    Idaksahak

    Igdalen

    Iberogan

    Isawaghen

    Agadassaoua

    Belbali

     30 000

    6 000

    6 500 

    7 000

    disparue 

    3 000

    Dans la codification linguistique ISO 639-3, la Tasawaq est référencée sous l'identifiant "twq" et la Tagdalt  "tda".

    La plaine de l'Ighazer renferme la Tasawaq à In Gall et Tegidda n'Tesemt, et la Tagdalt des Igdalen que l'on retrouve entre autre autour des villages de Tigerwitt, Teggida n'Adrar, Tirgit et jusqu'à Fagoshia au nord. Bien qu'étant des nomades, les Igdalen ont tendance à se sédentariser autour de ces lieux et préparent des jardins qui leurs permettent de palier les années difficiles de sécheresse.

    Longtemps classée parmi les langues nilo-sahariennes, Robert Nicolaï a remis en cause cette classification en 2003 en montrant l’apparentement du Songhay au Mandé et donc à une langue afro-asiatique. Selon Nicolaï toujours, les formes du Songhay septentrional sont issues d’un véhiculaire ancien (Nicolaï 2005).


    Le Songhay dans l'Ighazer

    Dans ces contrées ou beaucoup de mouvements de population ont eu lieu, le Songhay était très vraisemblablement une langue véhiculaire, sûrement présente avant les premières migrations berbères. Les relations entre la boucle du Niger et l'Ighazer étant attestée depuis le néolithique. L'Aïr occupée par des Gobirawa, en particulier le site de Maranda (falaises de Tiguidit), étaient plus vraisemblablement hausaphone. Des traditions orales Hausa les font même remonter jusqu'au massif de Teleginit, non loin d'Azelik-Takedda. Toujours est-il que l'Ighazer paraît être à la fois la limite orientale d'un véhiculaire songhay, et la limite septentrionale d'une influence Hausa, dans un espace temps qui peut être compris entre le VIè et le XIIè siècle.

    Les premiers arrivants berbères connus dans la zone sont les Igdalen, qui se disent originaires de Fez et on les désigne localement comme étant des "arabe-touareg". Puis les Iberkoreyan appartenant à la confédérations des Sandals, suivis par d'autres tribus Sandals, tous venus de l'ouest vers le VIIIè et IXè siècle. Les Sandals sont tous originaires de l'Adrar des Ifoghas dont la capitale est Tadamakka. Cette cité, plus proche de Tombouctou, prospère bien avant Azelik-Takedda sur la route de l'Egypte.

    Azelik-Takedda fut la ville la plus orientale des Massufa, berbères venus par l'ouest aux environ du Xè siècle. Ce sont des tribus Sanhadja qui détiennent les voix commerciales entre le Maroc et le Soudan, de Sidjilmassa à Tombouctou dès le VIè siècle, mais leur zone d'influence va s'étendre à l'ouest jusqu'au fleuve Sénégal et à l'est jusqu'au piémont de l'Aïr. Ils sont, sinon les fondateurs, les occupants qui ont mis la main sur le développement des villes de la bande sahélienne de, Oualata en Mauritanie, Tombouctou et Tadamakka au Mali, et Takedda au Niger. Ces deux dernières ont été détruites à peu près à la même époque, fin du XVè début du XVIè à l'apogée de l'empire songhay. Toutes ces villes, à l'exception peut être de Oualata, étaient sous l'influence de la boucle du Niger, départ des caravanes reliant le soudan et le maghreb, par Tadamakka, par Takedda en direction de l'Ifriqyia et de la Tripolitaine.

    Le développement du commerce transsaharien va sans doute ériger le songhay en un véhiculaire important à partir des VIè VIIIè siècle pour l'Ighazer. La naissance d'Agadez, dont certains quartiers originels de la ville ont des noms songhay ne pouvant guère venir que de l'ouest via Takedda, même si des relations de cette dernière avec le Bornou sont attestées. Ce véhiculaire devait donc déjà prédominé à Takedda, sans doute depuis l'origine de la cité Massufa vers les Xè-XIè siècle, et servait donc de système de communication entre population de diverses origines. S'il est très vraisemblable que le milieu urbain fut un lieu de diffusion important de ce véhiculaire, il en est peut être différemment de la brousse, ou pourtant des nomades Igdalen se sont aussi appropriés ce véhiculaire.


    Une hypothèse de la naissance de la Tasawaq

    A la destruction sanglante de Takedda par les Sultans d'Agadez, des Massufa (Inussufan) étaient encore présents à Agadez, qu'ils aidèrent dans sa création, mais aussi à Anissamane, centre religieux près de la nouvelle capitale de l'Aïr. Le Songhay véhiculaire ne fut sans doute pas affecté par ces bouleversements de chefferie, car nécessaire dans sa fonction première. Vers le XVIIè siècle, le commerce transsaharien d'Agadez commence à abandonner les relations ouest-est, au profit des relations nord-sud influencée par les pays Hausa, cause vraisemblable de la fin du Songhay comme véhiculaire, supplanté par par la langue du royaume de Sokoto. Les Agadéziens proche du Sultanat détenteurs de l'Emghedeshie réussirent à ce qu'il perdure jusqu'au début du XXè siècle. La révolte de Kaocen en 1917 due mettre fin à ce vernaculaire, puisque à sa suite la répression française fut féroce envers les proches du Sultan Tegama, traite de la France. Le Hausa devenant à la fois le véhiculaire et un nouveau vernaculaire pour les Agadassaoua.

    In Gall a été créée au milieu du XVIè siècle par des Isheriffen, venus de la Mecque (?) qui, à la destruction de Takedda, virent les populations rescapées nomadiser non loin de là. La proximité, le commerce du sel en seule véritable ressource, et sans doute aussi la recherche d'une sédentarité perdue par ces populations, incita les rapprochements et fonda la petite cité. Là encore le repli sur soi des populations chassées de Takedda, Imesdraghen et Inussufan, fondèrent peut être l'Ingelshie d'In Gall qui évoluera dans un milieu encore plus fermé que l'Emghedeshie d'Agadez, sous l'influence des Isheriffen (arabe ?) et des nomades touarègues.

    Ce pourrait donc être suite à la destruction de Azelik-Takedda, que la Tasawaq seraient née et devenue une langue vernaculaire pour des populations "réfugiées" à Agadez et In Gall, leur conférant ainsi une identité nouvelle dans une zone d'influence toujours mouvante, au milieu du XVIè siécle. Les Isheriffen ont sans doute servi à préserver ces populations gràce à leur autorité religieuse.

    Si cette hypothèse peut marquer le fondement de la Tasawaq, il n'en va sans doute pas de même de la Tihishit, mais nous manquons aujourd'hui trop de ressources historiques sur ces populations et leur mouvements, pour pouvoir encore en proposer une esquisse ... et notamment  proposer une période d'acquisition de la Tihishit. Quelles sont les voies de migrations des Igdalen, présents depuis le VIIIè siècle en Ighazer ? Ont-ils acquis la Tihishit au cours de ces migrations ou sur place ? Questions qui se posent également pour les Idaksahak ...

     

    Références

    Bernus E. 1981 – Touaregs nigériens. Unité culturelle et diversité régionale d’un peuple pasteur, L’Harmattan, 507 p.
    Nicolaï R. 2005 – Nouvelles perspectives de recherche dans la zone sahelo-saharienne en rapport avec la question du songhay, Moscou.
    Rueck M.J., Christiansen N. 1999 – Northern Songhay Languages in Mali and Niger, SIL International, p. 35.
    Souag L. 2020 – Explaining Korandjé: Language contact, plantations, and the trans-Saharan trade, Journal of Pidgin and Creole Languages, 30 (2), p. 189‑224.