La plaine de l’Ighazer se trouve dans l’aire septentrionale du bassin des Ouelleminden, formant le sous-bassin sédimentaire de la plaine de l’Ighazer - ou bassin du Timersoï -, encadré par les premiers contreforts du massif de l’Aïr à l’est, par le massif de l’Ahaggar au nord et par le Ténéré du Tamesna et la vallée de l’Azawagh à l’ouest. Au sud, à partir des falaises de Tiguidit, s’étend la Tadarast avec les formations gréseuses du Tegama.ma.
La plaine de l'Ighazer correspond à une zone de dépression entre le massif ancien de l’Aïr et un relief de cuesta, les falaises de Tiguidit au sud. Elle est creusée dans les terrains détritiques des grès d’Agadez, qui affleurent sur les piémonts de la montagne et des argilites de l’Ighazer du Continental Intercalaire. Du point de vue géographique, la plaine de l’Ighazer est traversée par une grande vallée, l’Ighazer wan Agadez, qui a donné son nom à la région.
La plaine de l'Ighazer
La plaine d’inondation argileuse du continental intercalaire reçoit les eaux d’épanchement des montagnes de l’Aïr qui déferlent par grands oueds. L’Ighazer wan Agadez, grand fleuve fossile, ne coule désormais guère que par endroit. La plaine de l’Ighazer n’est pas encore ensablée comme peuvent l’être les vallées du Timersoï, de l’Azawagh ou de Sekiret qui délimite sa partie septentrionale, ce qui lui permet de garder, au moment de la saison des pluies, une végétation exubérante donnant lieu chaque année à une grande « Cure salée » pour tous les animaux du Niger et même des pays limitrophes.
En sus de sa végétation saline, elle possède quelques sources salées qui en font une enclave de verdure et d’eau durant trois ou quatre mois après l’hivernage, avant de laisser place à l’aridité des argiles le reste de l’année. L’Ighazer est une région de plaine d’épandage, qui se distingue par la présence à faible profondeur de nappes phréatiques issues des grès dits d’Agadez et de nappes fossiles artésiennes (Bernus et al. 1999).
La zone d’affleurement des argiles de l’Eghazer correspond à une plaine couverte de regs ou d’épandage argileux, dont la monotonie contraste avec les paysages variés des régions voisines (Greigert 1966). Des accidents tectoniques, en particulier des lignes de fracture, ont conservé, à l’intérieur du bassin, des plateaux de la formation postérieure des grès de Tegama (Anyokan, Teleguinit, Azuza) et des grès d’Agadez (Azelik et Aboy). Une ligne de fracture nord-sud fait apparaître un compartiment des grès d’Agadez dans la région d'Asawas et de Tegidda n’Adrar (Poncet 1986). Ces différences topographiques et géologiques entraînent une grande variété de paysages dans la zone pastorale de l’Eghazer (Afane 2015).
Le bassin du Timersoï
Le bassin du Timersoï correspond à une ramification vers le Nord de la synéclise des Ouelleminden (plate-forme dont le soubassement au centre affaissé est recouvert de sédiments épais). Il se prolonge jusqu'en Algérie, où il est connu sous le nom de synclinal de Tin Séririne. Il est limité à l'Ouest par la dorsale d'In Guezzam et à l'Est par le massif de l'Aïr. Les réajustements tectoniques suivants induisent une structuration en "touches de piano", compartimentant la bordure occidentale de l'Aïr en un ensemble de dorsales et de gouttières. On distingue respectivement d'Ouest vers l'Est, les dorsales : d'In Guezzam, d'In Allaren, d'Ibadanan, d'Afasto et de Takardaït. La dorsale d'In Guezzam à l'Ouest et le Massif de l'Aïr à l'Est marquent les limites du bassin du Timersoï (Konaté et al. 2007).
Vers 340 Ma, la structuration du bassin du Timersoï a été influencée par la succession d'épisodes de glaciation et de déglaciation. La fonte glaciaire provoque à l'échelle du bassin du Timersoï un soulèvement relatif de la région. Cette déglaciation est associée à une remontée du niveau de la mer, favorisant l'ennoiement de la plate-forme continentale par les eaux marines. C'est dans ce contexte que se seraient mises en place les argilites du Talak (Konaté et al. 2007).
La plaine de l’Ighazer est limitée au sud par les falaises de Tiguidit, qui marquent la séparation, sur près de 200 km, d’avec la Tadarast. A l’est, s’élèvent les montagnes de l’Aïr, au nord s’étend le désert du Tamesna et à l’ouest les pâturages de l’Azawagh.
La Tadarast est une zone de sable au sud de la plaine de l’Ighazer qui débute au sommet des falaises de Tiguidit. Ces sables reposent sur la série gréseuse du Tegama qui s’étend vers le sud sur une pente légère parcourue de vallées peu profondes permettant l’installation de l’Adaras (Commiphora africana) ayant donné son nom à cette zone, aujourd’hui quasiment disparu à la suite des grandes sécheresses des années 70 et 80.
Le Piémont est la limite entre les montagnes de l’Aïr et la plaine argileuse, le plus souvent sur la série des grès d’Agadez. La roche est ici entrecoupée d’oueds d’où déferlent les eaux tombées sur l’Aïr, rendant cette zone assez difficile à traverser du nord au sud. Elle est néanmoins la zone écologique la plus diversifiée surtout dans sa partie méridionale.
L’Aïr est la montagne sur socle cristallin, qui alimente et formate la plaine de l’Ighazer. Morel date d’entre 3,8 et 2,6 Ma les premières entailles du réseau hydrographique de l’Aïr (Durand 1995). Elle est parcourue par d’étroites vallées où bouillonnent les flots lors des pluies d’orages de l’hivernage. Son axe de symétrie nord-sud est très oriental, ce qui fait que les 2/3 des eaux qui tombent sur le massif s’épanchent vers l’ouest, vers la plaine de l’Ighazer et les grandes vallées sableuses du Tamesna.
Les massifs les plus élevés du Sahara central, en particulier de l’Aïr qui ont été érigés sur le socle pour l’essentiel granitique, atteignent et dépassent localement 2000 mètres d’altitude (Bagzan, Greboun). Ils sont essentiellement la conséquence de phénomènes volcaniques récents, dont les périodes de fortes activités se situent au Miocène-Pliocène (Rognon 1994). Cette orogenèse est donc en partie contemporaine des premières phases d’aridification du Sahara.
La Tamesna est le début du vrai désert au nord de notre zone d’étude où le continental intercalaire est couvert de sable éolien. C’est une zone très plane où le seul pauvre relief est composé par la vallée du Timersoï aujourd’hui très ensablée.
L’Azawagh doit son nom au fleuve fossile qui le traverse au sortir de la plaine de l’Ighazer, réunissant les eaux des vallées du Timersoï et de l’Ighazer wan Agadez. Le substratum calcaire et argileux, d’origine crétacé paléocène, a été entaillé par l’érosion ancienne, puis recouvert par d’importants dépôts de sables éoliens au pléistocène supérieur lors de l’épisode aride Ogolien vers 15-20 000 BCE (Paris 1995).
Description géologique de la zone de l’Eghazer (Afane 2015)
Les travaux géologiques dans la zone pastorale de l’Eghazer se rattachent aux recherches sahariennes et aux entreprises de prospection minéralogiques : Joulia, 1959, Imreh et Nicoli en 1962, Greigert et Pougnet en 1967 et le Commissariat à l’Énergie Atomique (CEA, 1978) qui ont produit cartes et interprétations.
Les principales formations géologiques de l’Eghazer datent de la période du Crétacé Inférieur appelé Continental Intercalaire (Kilian 1931). Les faciès sédimentaires du Continental Intercalaire, avec leurs couches gréseuses et argileuses alternées qui ont un pendage des couches orienté NE/SW (nord-est/sud-ouest), constituent un ensemble de plateaux et de dépressions qui se sont développés dans un relief de cuesta entourant un massif ancien, l’Aïr. Selon Joulia, 1963 ; Greigert, 1966 ; Greigert Pougnet, 1967, on distingue dans la région de l’Eghazer les unités géologiques suivantes :
Le groupe des grès d’Agadez, formés au Jurassique, reposent en discordance sur la série d’Izeguedane du Continental Inférieur. Ils sont constitués d’arkoses, de grès calcaires, de grès grossiers, de conglomérats, de galets, recouverts par des sables clairs. On distingue plusieurs formations dans les grès d’Agadez (Joulia, 1963) :
- la série de Telwa subdivisée en trois ensembles plus ou moins développés suivant les régions (Telwa I, Telwa II, Telwa III) qui se relaient en empiétant l’un sur l’autre. Du sud au nord, l’ensemble du Telwa III existe d’abord seul, puis apparaît le Telwa II recouvert par le précédent qui se réduit vers le nord laissant apparaître le Telwa I, qui dans la partie septentrionale du bassin, représente la seule formation,
- la formation de Tchirozérine avec une épaisseur comprise entre 100 et 150 m comprend deux groupes de faciès dont le développement et l’importance varient selon les régions : les grès de Tchirozérine, composés des grès feldspathiques, grossiers, hétérogranullaires avec une couleur allant du gris au rouge en passant par des teintes ocres selon les épandages, contiennent généralement des bois silicifiés dans la partie supérieure de la formation,
- l’Abinky est par contre formée en grande partie d’analcimolites d’induration variable de couleur brun rouge ou ocre jaune,
- les Conglomérats d’Alarcess.
Un réseau de failles orientées nord-sud fait apparaître un compartiment de grès d’Agadez dans la région d'Asawas et de Tegidda n’Adrar.
Les grès d’Asawas, forment la partie supérieure des grès d’Agadez et représentent la transition avec les formations argileuses de l’Eghazer. Ils constituent une formation mince qui assure le passage progressif entre les grès de Tchirozérine et les argiles de l’Eghazer (CEA, 1978).
La série des argiles de l’Eghazer du Crétacé Inférieur, correspondent à une période de sédimentation fine ou chimique dans des lacs ou des marécages occupant un bassin entouré de reliefs couverts par des forêts denses (Greigert, 1966). Pour Chudeau (1909), en revanche, les argiles de l’Eghazer forment une formation lacustre récente comblant une vallée dans les grès du Tegama.
Ces argiles ont une extension beaucoup plus grande que celle des grès d’Agadez sous-jacents, qu’elles recouvrent par discordance (Joulia, 1937). La zone d’affleurement des argiles de l’Eghazer correspond à une plaine donnant des paysages de regs sombres ou d’épandages argileux qui forment un contraste avec les paysages gréseux des régions voisines. Les argiles de l’Eghazer se raccordent au grès du Tegama par la cuesta de Tiguidit.
Le groupe du Tegama, constitué des dépôts d'origine continentale, montre la succession de trois faciès superposés : grès grossiers - grès fins argileux - argiles gréseuses (Greigert Pougnet 1967). L’épaisseur de ces formations du Tegama décroît d’est en ouest, de 700 m au nord du Damergou à 300 m au sud d’In Gall (Greigert Pougnet 1967). Dans la région d’ln Gall, les grès du Tegama sont surmontés de formations argileuses à nodules de fer et de manganèse et, par endroits, d’une cuirasse ferrugineuse massive en bancs d’un à deux mètres, présumée récente ou tertiaire (CEA, 1978). On rencontre à certains niveaux des bois silicifiés, sous forme de troncs de grande taille, avec des branches éparses encore visibles. La cuesta de Tiguidit est la principale caractéristique de ce groupe des grès du Tegama. Cet escarpement matérialise une frontière bien marquée entre les paysages de la dépression argileuse (Eghazer) et les plateaux de Tegama (Tadarast ou Tadress).
Vu du satellite
Sur l’imagerie satellite, la plaine de l'Ighazer se matérialise très bien et on comprend rapidement la mise à nue de la plaine. A l'Est, le massif rocheux de l'Aïr, qui culmine à 2000 mètres, charrie les eaux de pluies qui ruissellent pour s'épancher dans la plaine. Le temps a fait son œuvre et sous des climats plus pluvieux, ont été découvertes les argiles de l’Ighazer. Au sud, les ruissellements sont arrêtés par les falaises de Tiguidit et refoulés vers le Nord. La sortie se fait vers la zone d'In Abangarit à l'Ouest. C'est aussi le début de l'ancienne vallée fossile de l'Azawagh, qui serpente jusque dans le Dallol bosso et la vallée du fleuve Niger.
Par certains aspects, la plaine de l’Ighazer, et plus particulièrement la partie septentrionale, a pu fonctionner comme un delta intérieur avant de s’engouffrer dans la vallée de l’Azawagh, formant ainsi des lacs (Beltrami 1982). Aujourd'hui la pluviométrie est trop faible pour ruisseler jusque là, et l'eau des oueds de l'Aïr n'entre dans la plaine que de quelques kilomètres. Pour ainsi dire, le début de la vallée de l’Azawagh forme l’exutoire des pluies qui ruissellent des deux massifs sahariens et fonctionne comme la bouche d’évacuation d‘une baignoire, qui se remplit plus vite qu’elle ne se vide. Le lac ainsi formé a pu aussi fonctionner comme un delta intérieur, probablement difficile d’accès une grande partie de l’année. Des lacs d'eau douce plus ou moins permanents et des marécages étendus s’y sont développés.
Références
Afane A. 2015 – La zone pastorale de l’Eghazer (Nord - Ingall - Niger) : conditions pour la mise en place d’une cogestion des ressources végétales dans le cadre d’un développement et d’une conservation durables, Thèse, Université Grenoble Alpes, inédit, 295 p.
Beltrami V. 1982 – Una corona per Agadès : Sahara, Air, Sahel, Roma, De feo editors, 266 p.
Bernus E., Cressier P., Paris F., Durand A., Saliège J.-F. 1999 – Vallée de l’Azawagh, Études Nigériennes no 57, SEPIA, 422 p.
Durand A. 1995 – Sédiments quaternaires et changements climatiques au Sahara central (Niger et Tchad), Africa Geoscience review, 2 (3‑4), p. 323‑614.
Greigert J. 1966 – Description des formations crétacées et tertiaires du bassin des Iullemmeden: Afrique occidentale, Paris, France, Bureau de recherches géologiques et minières, 234+40 p.
Jarry L. 2021 – Atlas archéologique satellitaire de la plaine de l’Ighazer, https://www.ingall-niger.org/avant-hier/atlas-archeologique consulté le 31 janvier 2023.
Konaté M., Denis M., Yahaya M., Guiraud M. 2007 – Structuration extensive et transgressive au Dévono-Dinantien du bassin du Timersoï (bordure occidentale de l’Aïr, nord Niger), Annales de l’Université de Ouagadougou - Série C, Série C (5), p. 1‑32.
Paris F. 1995 – Le bassin de l’Azawagh : peuplements et civilisations, du néolithique à l’arrivée de l’islam, in Marliac Alain (ed.). Milieux, sociétés et archéologues, Marliac Alain (ed.)., p. 227‑257.
Poncet Y. 1986 – Images spatiales et paysages sahéliens, ORSTOM, 255 p.
Rognon P. 1994 – Biographie d’un désert - Le Sahara, L’Harmattan, 350 p.