L’origine des Peul débattue à travers le XXè siècle, semble un long combat entre hypothèses toutes mieux disantes. L’un des premiers à se lancer, fut l’aventurier Henri Lhote dès 1958, qui fit un parallèle avec les gravures et peintures rupestres du Tassili n’Ajjer, y décelant des individus ayant certains traits peuls, à vrai dire surtout vestimentaires et liés au bestiaire entourant ces personnages, bœufs et grande faune d’Afrique. Mais dès le XIXè siècle le phénotype particulier des Peul intrigua fortement les classificateurs, incapables de ranger cette population dans un de leur tiroir, et les origines farfelues se multiplièrent.
Ils ont, tour à tour, été présentés comme des berbères anciennement alliés avec des noirs, les descendants de légionnaires gaulois en garnison à Memphis, des migrants de Malaisie ou d’Inde, des Tziganes fuyant les invasions mongoles, voire des Océaniens et bien sûr des migrants originaires d’Égypte (Boetsch et Ferrié 1999). Le point commun qui ressort de ces origines est sans doute le caractère fortement exogène à l’Afrique, les Peul sont forcément issus de population blanches septentrionales. Lam aura, au début du XXIè siècle, le mérite d’en faire des africains en les faisant émerger de la royauté pharaonique du Nouvel Empire (1500-1000 BCE) qui aimait à se marier avec les asiatiques de la péninsule arabique (Lam 2003). L’idée de la proximité biologique exogène à l’Afrique du Peul perdurait encore au début des années 1960, lorsque Marguerite Dupire écrivait « Le Peul, ou du moins l’image idéale qu’on se fait de lui non sans raison, est d’aspect plus “europoïde” que “négroïde” » (cité par Boetsch et Ferrié 1999).
En même temps Amadou Hampâté Bâ, Peul initié, étendit le champ d’investigation des origines au domaine du symbolique, en croyant reconnaître, dans certaines fresques rupestres décrites par Henri Lhote, la transcription de mythes connus et une série de rites pratiqués au début du XXè siècle par des Peuls de la boucle du Niger (Hampaté Ba et Dieterlen 1966). Hampâté Bâ tente une reconstruction qui permet presque une lecture directe de la fresque. Mais il procède par calquage d'éléments extraits arbitrairement du récit, lsequels s'articulent aux images, en dissociant ainsi les éléments de la structure constructive du mythe pour les superposer à des figures rupestres (Amrane 2002).
La tradition orale des Peul les fait venir d’un pays mythique, Héli et Yoyo, où, avant la grande dispersion, les Peuls auraient vécus heureux, comblés de toutes les richesses et épargnés de tout mal, même de la mort. Mais, comme toujours dans les mythes, leur mauvaise attitude et leur ingratitude amena le courroux du divin, Guéno, qui fit abattre sur eux des malédictions, les obligeant à émigrer (Lam 2003). A l’évidence, la vallée du Nil peut bien s’appliquer à cette tradition orale, mais qui comme toute tradition est très certainement dévoyée au fil du temps, se nourrissant de l’histoire. Le delta intérieur du Niger pourrait tout aussi bien être cette terre de richesse, avant les début de l’agriculture qui initia dés lors des liens conflictuels avec les sédentaires cultivateurs, qui se retrouvent encore de nos jours partout où les Peul nomadisent avec leurs troupeaux de longues cornes.
Des pasteurs graveurs qui s’émancipent à l’aube de l’histoire
Christian Dupuy (Dupuy 1999 ; Dupuy 2011), va préciser l’intuition d’Henri Lhote, en identifiant parmi les représentations rupestres un groupe de pasteurs de bovins, pouvant être identifiés à certains groupes Peul. Ils sont issus d’un environnement où cohabitent la grande faune et les bovins. Ces hommes, pasteurs nomades aux préoccupations tournées vers l’extérieur des campements - aucune figuration féminine, aucune scène de campement n’y est représentée - en furent les auteurs, sur une vaste aire géographique que délimite les gravures à l’échelle du Sahara central et au delà.
Dès lors que le port de la lance devient de tradition, ce qui est encore le cas chez certains Peul de la boucle du Niger, l’image gravée de l’homme se fait imposante (Dupuy 1999). Cette évolution de l’art rupestre touche essentiellement le sud du Sahara, Adrar des Iforas et Aïr surtout, où se concentrent les porteurs de lance (Dupuy 2011). C’est aux côtés de ces images nouvelles de porteurs de lance qu’apparaissent les premières représentations de chevaux, aucun n’est jamais monté, sur ces même rochers de l’Adrar des Iforas et de l’Aïr.
Lances et chevaux sont les nouveaux sceptres des pasteurs bovins qui, pour défendre leurs acquis face à la compétition humaine mais aussi face à un environnement qui se dégrade, se hiérarchisent autour de ces apparats. Le char attelé en sera en quelque sorte l’apogée, jusqu’à ce que les conditions environnementales n’obligent à un repli sur la zone sahélienne seule garante de l’élevage bovin. Pour Christian Dupuy, ces groupes pourraient se retrouver dans certains Peuls de la boucle du Niger et d’autres autour du Lac Tchad, le début de la sédentarisation marquant ainsi la fin d‘une tradition des rupestres (Dupuy 1999).
Avec le site d’Iwelen dans l’Aïr septentrional, on dispose d’un jalon chronologique important. Jean-Pierre Roset a pu mettre en relation des sites d’habitat où des pointes de lances ont été retrouvées dans les fouilles ainsi qu’une céramique que l’on retrouve dans les tumulus à cratère voisins. Compte tenu des affinités qui s’établissent entre ces éléments d’habitat, de sépultures et de gravures, les dates obtenues à Iwelen permettent de situer dans le premier millénaire avant notre ère l’âge de pleine expression de cette culture en Aïr (Roset 2007) et très probablement au-delà en Adrar des Iforas et dans quasiment tout le Sahara méridional.
Les Peulh Wodaabé
L’aire géographique occupée par les Peuls est très vaste, elle s’étend de la bordure atlantique aux abords du lac Tchad. Où qu’ils se trouvent, les Peuls élèvent des bovins. Tandis que certains groupes sont nomades, d’autres ne sont mobiles qu’une partie de l’année. Ceux vivant à la fois de l’élevage et de l’agriculture sont sédentaires. Cette diversité des modes de vie suppose des vécus historiques différents selon les groupes et les régions (Dupuy 2011).
Seule une partie d'entre eux, les Wodaabé, ont gardé leur mode de vie nomade. La majorité des Wodaabé vivent au Niger. On les voit aussi à In Gall, certains groupements ayant leur terroir d'attache dans les environs, d'autres passant par là comme beaucoup de nomades à la recherche des pâturages lors de la transhumance annuelle de la Cure Salée. Les Peul Wodaabé effectuent un nomadisme du Nord Nigeria jusqu’au Nord Niger, en saison des pluies, ils quittent les zones cultivées pour faire pacager leurs troupeaux dans les pâtures salés du Nord d’In Gall, après les récoltes, ils redescendent sur près de 1000 km aller et retour.
Dans la commune d’In Gall, les Peul de la composante Wodaabé, sont basés à l’ouest et au sud où certains commencent à se sédentariser. Ils sont subdivisés en deux groupes : les Bikărawa créé en 2002 avec 24 tribus, et le groupement Bingăwa avec 14 tribus, créé en 2001 (Mairie d’In Gall 2021). En plus des Peul de la région, une partie importante de cette communauté située plus au sud du pays explore la plaine pendant la transhumance estivale. Il s’agit des Yənmăwa, des Udă et des Fărfaru. Ils viennent des régions de Maradi, Zinder et de Tahoua (Afane 2015).
Les Peul Bororo ou Wodaabé, propriétaires de leurs troupeaux élèvent surtout la race de zébus bororodji, à longue corne, donnant son nom à ce groupe de grands nomades. Les Peul Fărfaru sont des grands éleveurs de la race Djeli, à corne en forme de croissant ou de lyre et de la race Azăwaɣ à cornes courtes, mais très productive.
Ce sont les dernières populations arrivées dans la plaine de l'Ighazer au milieu du XXè siècle, la progression de l'agriculture dans le sud du pays les obligeant à chercher des pâturages de plus en plus vers la Nord. Durant les grandes sécheresses des années 70, ils quittèrent l'Ighazer pour revenir y nomadiser, voire s'y sédentariser à partir des années 80.
Une sédentarité récente
La création récente des groupements reconnus administrativement pour les Peul Bingawa et Bikarawa, leur permet depuis 2001 de s’intégrer aux institutions du Niger, car ils restent encore aujourd’hui plutôt en marge de la société consumériste, surtout les éleveurs nomades. Il faut dire que les différentes administration, coloniales ou nigériennes, ont toujours eu une vision assez négative des Peul, refusant la scolarisation, s’accaparant des pâturages et autres puits, cherchant systématiquement à éviter les impôts (Aghali 2008).
On observe depuis les dix dernières années, dans certaines régions du Niger, une tendance des pasteurs mobiles à matérialiser leur terroir d’attache et à y développer de petites infrastructures, ou des bases de résidence plus ou moins permanentes qui permettent des actions d’intérêt collectif. Cette tendance est plus particulièrement notable dans le milieu peul Wodaabé, car celui-ci représente la part du monde pastoral la plus attachée à la mobilité, et pour qui l’élevage reste la seule activité possible.
Leur stratégie de sédentarisation répond à différents besoins concrets et réalistes (Hammel 2001). Comme de de marquer de façon visible et physique l’occupation permanente du terroir par le groupe, le passage saisonnier sur le puits n’étant plus suffisant pour affirmer son droit. D’établir une garde permanente du puits, contre des groupes concurrents qui pourraient le détruire, et affirmer le droit d’usage prioritaire de ce puits (et des ressources qu’il dessert). De répondre à l’évolution du contexte économique et aux fluctuations des termes d’échange par le stockage des céréales et des intrants alimentaires d’appoints pour le bétail. D’encourager les membres du groupe sans bétail, qui pèsent sur l’économie globale des groupes familiaux, de s’installer sur les terroirs d’attache, rendant ainsi de multiples services. De sédentariser quelques membres du groupe dans un lieu où ils pourront représenter le groupe dans les négociations et affaires juridiques et se spécialiser dans les relations entre le milieu éleveur nomade et le monde administratif. D’encourager la scolarisation des enfants. Ce n’est possible que s’ils peuvent grandir avec l’encadrement de leur milieu social d’origine, et non dans un milieu qui marginalise leur condition d’éleveur. Il devient possible de créer des écoles sur ces sites.
Le mouvement n’est pas que récent, on note depuis depuis 1925 des « infiltrations » par le Tadress et le sud d’In Gall, venant de Dakoro et de Tanout, près de 1000 en 1948, 3500 en 1963 (Séré de Rivières 1965). Déjà les Bernus signalaient la remontée des Peuls dans le nord Niger et le séjour permanent tout au long de l'année de quelques regroupements Peuls WodaaBe, Bikorawa, Bingawa et Ruwada, rassemblant moins d'un millier d'individus (Bernus 1981). Dans la Région de l’Ighazer, cette stratégie se matérialise par la création de village nouveaux comme Tagdount, Tedbik, Tagalalt, Fidik, Alakat, Martaba (LUCOP 2006). Les Peul représenteraient environ 10 % de la population de la commune d’In Gall pour 2598 habitants. On les rencontre surtout dans les sous-zones Affala et Tadress.
→ carte des villages Peul.
Le Yaake, les yeux qui roulent
Le Yaake peut durer des heures chaque jour, les hommes dansent et chantent sous le soleil. Certains des hommes ont un tour dans leur sac : ils boivent un thé d'écorce fermenté, qui a un effet hallucinogène, mais aussi permet aux hommes de danser pendant des heures.
Le Gerewol est un concours de beauté, mais il est aussi un rituel de cour, comme l'apparat mène souvent à flirt et potentiellement à mariage. Dans la culture Wodaabe, la beauté est primordiale, et les femmes sont libres de prendre des maris supplémentaires, à condition qu'ils soient de bonne mine, dans l'espoir qu'ils puissent porter des enfants plus attrayants. De même, les hommes plus attrayants ont tendance à avoir de nombreuses partenaires. Il n'y a pas deux poids deux mesures à cet égard, et le rituel Gerewol est une expression de leur honnêteté et ouverture culturelle.
Les hommes Wodaabé se peignent le visage, habituellement en rouge ou jaune avec des accents blancs et noirs, qui servent à mettre en valeur la symétrie dans les traits du visage, quelque chose que les femmes Wodaabé apprécient fortement. Les hommes Wodaabé ont des costumes de cérémonies traditionnelles, qui, en fonction de la tribu, peuvent être constituées de belles étoffes colorées, de perles et coiffures à plumes, et les enveloppes de cuir ou de jupe. Les hommes chantent et dansent pour impressionner les juges de sexe féminin, une sorte de danse en ligne, où les hommes épaule contre épaule, se balancent aux chants hypnotiques.
Les plumes volent, les pieds frappent, les cloches sonnent et les visages sont tirés. Alors que les occidentaux pourraient voir ces visages comme quelque chose que l'enfant ferait "idiot", les W width="50%;odaabé y voit un affichage de la beauté. De grands yeux blancs et lumineux, des dents blanches sont également considérés comme des caractéristiques attrayantes chez les Wodaabé, en roulant et clignant les yeux, sourire est juste une façon de mettre l'accent sur ces traits.
Pendant la fête officielle de la Cure Salée à In Gall, ils enchantent les touristes avec leurs danses traditionnelles spectaculaires. Cette période de fête est l'occasion de mariage et de Gerewol (fête Peul).
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Références
Adamou A. 1979 – Agadez et sa région, L’Harmattan, 358 p.
Afane A. 2015 – La zone pastorale de l’Eghazer (Nord - Ingall - Niger) : conditions pour la mise en place d’une cogestion des ressources végétales dans le cadre d’un développement et d’une conservation durables, , Grenoble, Grenoble, Université Grenoble Alpes, inédit, 295 p.
Aghali A. 2008 – La commune d’In Gall (2) : Etudes et travaux, Lasdel, inédit, 53 p.
Amrane A. 2002 – Ethnoarchéologie et rupestres sahariens, Horizons Maghrébins - Le droit à la mémoire, 47 (1), p. 169‑175.
Bernus S. 1981 – Relations entre nomades et sédentaires des confins sahariens méridionaux : essai d’interprétation dynamique, Revue de l’Occident musulman et de la Méditerranée, (32), p. 23‑35.
Boetsch G., Ferrié jean-P. 1999 – La naissance du Peul : invention d’une race frontière au sud du Sahara, In Figures Peules, Karthala, p. 73‑87.
Dupuy C. 1999 – Les apports de l’arch6ologie et de l’ethnologie à la connaissance de l’histoire ancienne des Peuls, In Figures Peules, Karthala, p. 53‑72.
Dupuy C. 2011 – Quel peuplement dans l’Adrar des Iforas (Mali) et dans l’Aïr (Niger) depuis l’apparition des chars ?, Société d’études et de recherches préhistoriques des Eyzies, (60), p. 25‑48.
Hammel R. 2001 – Terroirs d’attache des pasteurs au Niger, AREN, inédit, 28 p.
Hampaté Ba A., Dieterlen G. 1966 – Les fresques d’époque bovidienne du Tassili N’Ajjer et les traditions des Peul : hypothèses d’interprétation, Journal des Africanistes, 36 (1), p. 141‑157.
Lam A.M. 2003 – L’origine des Peul, ANKH, (12/13), p. 90‑107.
LUCOP 2006 – Monographie de la commune rurale d’In Gall.
Mairie d’In Gall 2021 – Plan de développement communal 2020-2024 In Gall, Commune d’In Gall, inédit, 80 p.
Roset J.-P. 2007 – La culture d’Iwelen et les débuts de la métallurgie du cuivre dans l’Aïr, au Niger, Paris, in Le Chalcolithique et la construction des inégalités. II, Proche et Moyen-Orient, Amérique, Afrique, Paris, Errance, p. 107‑136.
Séré de Rivières E. 1965 – Histoire du Niger, Berger-Levrault, 310 p.