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    Les jeux Touareg

    Cet article présente plusieurs jeux touaregs de la région d'Agadez. Ces jeux vont du simple divertissement de veillée à des jeux à stratégie complexe. On se limite pour l'essentiel à la description des règles et à de brèves considérations sur quelques aspects formels de ces règles, mais on donne aussi quelques précisions ethnographiques sur les conditions de jeu ainsi que quelques commentaires sur le vocabulaire employé. Lorsqu'elle s'impose, la comparaison est faite avec des jeux connus dans des sociétés voisines.


    Les Ishigän

    Ce jeu est un jeu de veillée, surtout pratiqué par les jeunes gens, mais il peut arriver que tous les membres d’un campement y jouent tous ensemble. Chaque joueur fait avancer son pion sur un circuit en forme de spirale jusqu’à en atteindre le centre. Ce circuit est tracé dans le sable, chaque case (100) étant marquée par une petite dépression formée par le doigt. La case centrale, appelée « Agadez », est placée sur un petit monticule de sable. La case de départ est également placée sur un monticule, simplement appelé « dune ». Tous les joueurs placent sur la « dune » des pions constitués de brindilles assez dissemblables afin que chacun puisse reconnaître la sienne. Il y a également une brindille appelée « l’hyène » qui doit jouer un rôle plus tard au cours de la partie.
    Le rôle des dés est tenu par 4 baguettes d’un arbre appelé « aebizgin » (Salvadora persica) fendues en deux après avoir été écorcées et noircies au feu. Une fois fendues, les baguettes ont un côté convexe noir et un côté plan blanc. Le joueur lance les baguettes et c’est la combinaison Noir/Blanc qui donnera le nombre de cases qu’il pourra franchir. Les baguettes, appelées « eshigh », au pluriel « ishigän», donnent son nom au jeu. Il y a 5 combinaisons possibles de côtés noirs et blancs (N/B). Chaque combinaison a un nom et rapporte un certain nombre de points.

    4B  « vache » (tas), le pion avance de 20 cases
    3B + 1N « cheval blanc » (äys mällän) ou « chevrette » (taghidit), le pion avance de 5 cases
    2B + 2N « âne » (ejad) ou « chute » (anabag), le joueur passe la main
    1B + 3N « cheval noir » (äys kawalän), le pion avance de 9 cases
    4N « chameau » (aläm) ou coup (addäbbät), le pion avance de 80 cases

    Lorsqu’une des baguettes retombe sur l’une de ses extrémités et que le joueur arrive à la rattraper avant qu’elle ne se couche sur le côté, il obtient 30 points. Cette configuration s’appelle eshigh ightän « baguette dressée ».
    Lorsqu’une baguette est non pas dressée mais posée sur la tranche, on lui donne une pichenette pour la ramener à une position qui puisse être prise en compte.

    Le jeu

    Chaque joueur lance à tour de rôle les baguettes, et fait avancer son pion du nombre de points obtenus et rejoue jusqu’à obtenir la configuration 2B + 2N et passe la main. Le joueur qui obtient un « chameau » a toutes les chances d’atteindre aussitôt Agadez, mais une clause supplémentaire vient compliquer les choses : lorsque ses adversaires voient le résultat, ils cherchent aussitôt à s’emparer des baguettes. Chaque baguette obtenue vaudra alors 20 points, les joueurs font avancer aussitôt leur pion.

    Lorsqu’un joueur atteint Agadez il retire son pion du jeu, même si le nombre de points obtenus est supérieur au nombre de cases jusqu’à Agadez. Lorsque son tour reviendra, il fera avancer « l’hyène ». Tout joueur ayant atteint Agadez fait avancer l’hyène quand vient son tour de jouer. L’hyène n’est donc pas attribuée à un joueur en particulier.

    L’hyène avance selon les mêmes modalités qu’un autre pion. Si elle rattrape le pion d’un autre joueur, elle l’entraine et le fait avancer jusqu’à ce que le joueur qui la fait avancer obtienne 2B + 2N.  Lorsque le joueur qui possède le pion rattrapé par l’hyène doit jouer à son tour, il doit repartir de la case où il se trouvait quand l’hyène l’a rattrapé. Il doit tâcher de la doubler avant d’obtenir la configuration 2B + 2N. S’il n’y parvient pas, on dit qu’il a été mangé par l’hyène et il se retire du jeu. S’il a pu doubler l’hyène mais qu’il est à nouveau rattrapé par elle, il est alors éliminé séance tenante. Bien entendu plus le nombre de joueurs habilités à faire avancer l’hyène est important, plus la situation des joueurs qui restent est difficile.


    La daraJeu de dara

    C'est un jeu de quadrillage dont les cases appelés puits reçoivent les pions de chaque joueur (cailloux, crottes, etc.). Le but est d'aligner trois pions pour pouvoir prendre un pion de son adversaire. Il s'agit d'empêcher son adversaire d'abreuver ses animaux au puits, de réussir à faire galoper son cheval entre 2 cases, de prendre un pion à chaque coup et donc d'augmenter son troupeau d'un chameau = point de la partie gagnée. « ishwa », il a bu c'est la phrase rituelle pour dire que l'on a gagné dans le désert.

    Le jeu

    Le damier se compose de 6 rangées de 5 puits. On joue à deux, chaque joueur dispose de 12 pions. Le but du jeu est de parvenir à aligner trois pions dans le sens des rangées ou des colonnes, et d'empêcher son adversaire d'y arriver. A chaque fois qu'un joueur aligne trois pions, on dit qu'il boit, il peut alors retirer un pion de son adversaire, diminuant ainsi ses marges de manœuvres.

    La première phase du jeu consiste à déposer ses 12 pions sur le damier. Chaque joueur dépose à tour de rôle ses pions, un par un. Il n'a pas le droit dans cette étape d'en aligner trois. Cela pourra se faire quand tous les pions seront déposés, et que les joueurs commenceront leurs déplacements. Cependant dès cette étape, les manœuvres commencent, car il faut tâcher de disposer ses pions de façon à pouvoir réaliser des alignements dès qu'on pourra commencer à déplacer les pions sur le damier horizontalement ou verticalement et d'une seule case à la fois. Le joueur qui gagne est celui qui enlève tous les pions de son adversaire.
    Une figure spéciale appelée « le cheval » permet à un joueur d’enlever un pion de son adversaire à chaque tour. A vous de la trouver !


    Tihulelin tin Azgag

    Ce jeu appartient à un type connu sous le nom de mankala, auquel appartient également le wari ou awalé, connu en Afrique occidentale.
    Ce jeu, est presque exclusivement l’affaire des enfants et même surtout des fillettes. Elles s’y adonnent volontiers à l’ombre des tentes, ou lorsqu’elles suivent le bétail au pâturage. Les adolescents y jouent parfois, mais uniquement à la veillée.
    On joue avec des pions (en général des crottes de chameaux) qu’on déplace dans 8 cases disposées en deux rangées parallèles de 4 cases. Les cases sont généralement des trous creusés dans le sable. Le terme Äzgag désigne à la fois les pions, et le verbe signifiant « trier ». Tihulelin Ti-N Äzgag se traduit par « les jeunes ânesses de l’Äzgag ». De celui qui perd on dit qu’il a obtenu un âne, celui qui gagne obtient lui un chameau. En effet, au contraire des camelins (chameaux), les asins (ânes) constituent un bétail de moindre intérêt, dont le propriétaire ne peut guère tirer de fierté. « Déplacer ses pions » dans ce jeu, comme dans tous ceux où l’on doit déplacer des pions, se dit « mägär», verbe dont le sent le plus courant est « combattre ». Cependant il n’est pas sûr que les joueurs aient ce sens en tête lorsqu’ils jouent.

    Le jeu

    Chaque joueur dispose au départ de 24 pions. Il les dépose à raison de 6 par case. On choisit le sens de déplacement des pions qui restera le même pour toute la partie. Si le joueur A déplace ses pions vers sa droite, le joueur B déplacera ses pions vers sa gauche, et inversement.
    On décide à l’amiable du joueur qui commencera. Si le joueur A commence, il prélève les pions d’une des 4 cases situées devant lui et les distribue un par un dans les cases consécutives, le joueur B fait de même à son tour. 

    La partie se poursuit selon ces règles, chaque joueur à son tour vide une des cases situées devant lui et dépose les pions dans les cases qui suivent.
    De la case où on dépose le dernier pion, on dit « qu’on y fait étape » (adwu), ce qui signifie « arriver à l’étape du soir, rentrer chez soi le soir ». Lorsqu’il y a 2, 4 ou 6 pions, y compris celui que l’on dépose, dans la case où l’on fait étape, le joueur retire ces pions et les met en réserve. Si la case précédente comporte elle aussi 2, 4 ou 6 pions, le joueur prélève également ces pions, et cela dans autant de cases successives en remontant contenant 2, 4 ou 6 pions. A l’issue de certains coups heureux, il est possible qu’un joueur vide toutes les cases du jeu. On dit d’un joueur marquant ainsi des points qu’il « a mangé des pions » ou bien qu’il « a bu ». Il peut arriver qu’à certains tours les 4 cases situées devant un joueur soient vides. Dans ce cas, le joueur passe son tour et attend qu’il y ait à nouveau des pions pour jouer.

    Fin d’une manche et manche suivante

    Une manche se termine lorsque tous les pions du jeu ont été prélevés. Pour la manche suivante, chaque joueur remplit ses 4 cases avec les pions de sa réserve. Chaque case ne peut contenir plus de 6 pions. Un joueur possédant plus de 24 pions gardera des pions en réserve. Un joueur possédant moins de 24 pions ne remplira pas toutes ses cases : il devra remplir une à une les cases consécutives pouvant contenir 6 pions, et la dernière pourra rester incomplète. Il est d’usage de laisser vides les cases situées les premières dans le sens de progression du jeu, et incomplète la dernière des cases. Les cases entièrement vides n’interviennent pas dans la manche : on n’y déposera pas de pion.

    Règles particulières

    Mensonge : si à la fin d’une manche, un pion reste isolé sur le damier, il y a eu une erreur, ou mensonge puisque les pions sont toujours prélevés par nombre pair. On isole ce pion, puis, à la redistribution, si un joueur dépose un nombre impair de pions, cela montre que c’est lui qui avait fait l’erreur. Bien qu’il ait « menti », il n’est pas sanctionné. Il récupère simplement le pion isolé et l’ajoute aux siens.

    Hyène : une case incomplète (contenant 2 ou 4 pions puisqu’il ne peut s’agir que d’un nombre pair inférieur à 6) peut être utilisée comme les autres cases. Mais son propriétaire peut, s’il le désire, en faire une hyène ou un cadavre. Appelons A ce joueur : si A décide de faire de sa case incomplète une hyène, ni lui ni B n’ont le droit d’y prélever des pions. B n’a pas le droit d’y déposer des pions, tandis que A peut le faire. Si B dépose un pion par erreur, alors il devra payer à A une amende de 8 pions qu’il prélève dans ses cases et que A met dans sa réserve. Les pions amassés dans l’hyène reviennent à A en fin de manche.

    Cadavre : si A fait de sa case incomplète un cadavre, il en prélève les pions dès qu’il y en a 2 de plus qu’au début de la manche.

    Fin de la partie : la partie se termine quand à la fin d’une manche un joueur n’a plus de pions dans sa réserve.


    Les Arrawän

    Ce jeu peut se jouer à 2 joueurs ou plus. Ici les joueurs doivent chercher à obtenir un nombre de pions multiple de 3. On creuse dans le sable des cases disposées en cercle, d’un nombre deux fois égal au nombre de joueurs. On dépose un pion dans la moitié des cases. Chaque joueur dispose de 6 pions de jeu et de 5 pions de réserve. On choisit un sens de jeu, qui sera le même pour tout le monde.

    Le jeu

    Les joueurs jouent chacun leur tour en déposant leurs pions de jeu, en commençant par une case vide. Les pions de la dernière case atteinte seront prélevés et gardés pour la distribution du tour suivant.
    Si leur nombre est égal à 3 ou 6 (en comptant le pion déposé), on dit que le joueur « a épousé » celui qui le précède dans le sens du jeu. Il retire alors de sa réserve un nombre de pions égal au quotient par 3 du nombre de pions de la dernière case atteinte (1 pour 3 pions, 2 pour 6) et les donne à celui-ci, qui les ajoute à sa propre réserve. Ces pions sont appelés les « enfants » (arrawän) du mariage. Le joueur qui donne les pions figure l’époux, celui qui les reçoit, l’épouse. Comme dans Tihulelin tin Azgäg, on comptabilise également les cases précédentes successives contenant 3 ou 6 pions, le nombre d’ « enfants » augmente d’autant. Dans la suite du jeu, les joueurs déposent à leur tour leurs pions de jeu dans les cases successives, en commençant par celle qui vient d’être vidée.

    Fin de la partie

    Un joueur a gagné s’il réussit, après avoir épuisé sa réserve, à trouver exactement 4 pions (en incluant le pion qu’il dépose) dans la dernière case qu’il atteint lorsque son tour revient. Sa réserve est épuisée, mais il peut continuer à « épouser ». Dans ce cas, il comptabilise les « enfants » de ses « mariages » en traçant des traits sur le sol.

    Si on l’épouse, il efface ces traits, ou augmente sa réserve si le nombre d’ « enfants » est supérieur au nombre de traits. Si un joueur ayant épuisé sa réserve et obtenant 4 pions dans la dernière case ne fait pas attention et ramasse ces pions, on dit qu’il « s’est brûlé » : il doit alors rester dans le jeu. Il suffit qu’il touche ces pions pour se brûler. S’il s’aperçoit à temps qu’il a 4 pions et ne fait pas l’erreur, on dit qu’il « a bu » : il a gagné. Les autres joueurs se précipitent sur les 4 pions pour les ajouter à leurs pions de jeu. Le jeu se termine quand il n’y a plus qu’un seul joueur.

    Règles particulières

    Lorsque deux cases sont vides consécutivement, le joueur suivant choisit celle dans laquelle il commence sa distribution.

    Lorsqu’un joueur dépose son dernier pion dans une case vide, le jeu se bloque, le joueur ayant le moins d’enfants dans sa réserve et ayant au moins 3 pions de jeu le libère en lui donnant un pion.


    L’Oljinnät

    Ce jeu, voisin du précédent, se joue à deux. Quatre cases sont disposées en cercle : deux, diamétralement opposées, sont vides, et deux contiennent 6 pions. Chaque joueur dispose de 6 pions de jeu. On dépose ses pions un par un comme pour les arrawän. Le premier joueur commence par une des deux cases vides.

    Pour marquer des points, on doit déposer son dernier pion dans une case contenant 3 ou 6 pions, on marquera alors 1 ou 2 points (quotient par trois du nombre de pions dans la case atteinte). Les points gagnés sont autant de « chameaux » gagnés par joueur.

    Comme pour les arrawän on comptabilise également les cases précédentes contenant 3 ou 6 pions. Les points sont comptabilisés en traçant un trait par chameau gagné. Quand 10 traits ont été notés, on les efface pour les remplacer par un rond. Le joueur gagnant est celui qui aura gagné 50 chameaux, soit 5 ronds, et qui atteint une case contenant 4 pions, dont celui qu’il y dépose. On dit alors qu’il « a bu » ou qu’il a atteint le paradis (oljinät). Attention, comme pour les arrawän, de ne pas « se brûler » en ramassant ces 4 pions !


    Jeux d'enfants d'Ingall et d'ailleurs
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