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    Les jardins

    Accèdez à la carteAu-delà des jardins, c'est le palmier dattier qui a toujours l'attention des jardiniers phoeniciculteurs. Même si le maraîchage tend à se développer, il reste encore marginal dans l'économie de la palmeraie malgrè un réel potentiel, si tant est que les pluies le permette, car la priorité de l'usage de l'eau est pour les dattiers.

    A proximité d'In Gall, les jardins d'Aboraq ont développé une originalité dans leurs modes de cultures, autour des cucurbitacées, entre nomadisme et sédentarité.


    Les données recueillies

    Ces données sont issues des connaissances d'un autochtone vivant sur place, et d'un allochtone ayant vécu trois années dans la petite ville.

    QuartierToponymiePopulationActivités principalesCoopérativeEpoque
    Ebrik Ighawellen maraîchage 1980-1990
    Senasseruf pour les chérifs Isherifen maraîchage Yarda  vers 1950
    Akalel Inussufan, Isheriffen maraîchage Akalel ancien
    Agajirbéré grande cour / grand mur Inemegrawen abandonné ancien
    Kuzara Inemegrawen abandonné ancien
    Tansamane  abreuvoir Inemegrawen jeunes dattiers, maraîchage Akourkoukoye, Talharma vers 1960
    Imusan eau salée / mauvaise  Inemegrawen, Inussufan jeunes dattiers, maraîchage Akourkoukoye 1er créé - XVIè siècle
    Korey Futu Imesdraghen jeunes dattiers, maraichage Akourkoukoye ancien
    Bandan Ifirgan le jardin de derrière Imesdraghen, Isheriffen grands dattiers Akourkoukoye vers 1960 
    Tama Henen Imesdraghen, Isheriffen presque abandonné Akourkoukoye 1er créé - 16è
    Ghyia Inussufan grands dattiers, maraîchage Tangal ancien
    Tirgit Igdalen Kel Tofey jeunes et grands dattiers 1970-1980
    Hadahada joindre ou chef Iberkoreayan du XVIIé Inussufan jeunes et grands dattiers, maraîchage Tangal vers 1970
    Inabizguine aebizguine "salvadora persica" Igdalen de Tirgit maraîchage 2010
    Kerneche Igdalen maraîchage 1980-1990
    Aboraq arbuste "Balanites aegyptiaca" Ibuctutane maraîchage 1980-1990
    Tchimouménène "belles filles" en tamasheq  Kel Fadey  rien  1980-1990

    A partir de l'outil Google Maps en juin 2015, nous pouvons obtenir les données du tableau suivant : le calcul des "surfaces utilisées" est fonction d'un pourcentage subjectif que nous définissons en fonction de nos connaissances de terrain, le comptage des dattiers mériterait une vérification de terrain plus précise, surtout dans les quartiers où ils sont les plus nombreux.

    Quartiersnombre de jardinSurface totale (ha)
    % d'utilisationSurface cultivée (ha)Surface de maraîchage / nbr de jardinssurface moyenne de jardin (ha)nbr de dattierdattier par ha cultivé
    Ebrik 12 5,4 20 1,1 1 / 4 0,45 17 16
    Senasuruf 21 9 25 2,25 0,9 / 6 0,43 30 13
    Jardin de l'agriculture 1 4,15 15 0,62 0 / 0 4,15 25 40
    Akalel 79 21,2 30 6,36 3 / 15 0,27 60 9
    Agajirbéré *
    34 6,15 - 0,18 - -
    Kouzara * 20 2,6 0,13 - -
    Tansamane 51 9,84 40 3,9 1,5 / 10 0,19 220 56
    Imusan 7 4,6 20 0,92 0,2 / 5 0,65 60 65
    Korey Futu 7 3,9 10 0,39 0 / 3 0.55 30 76
    Bandan Ifirgan 25 4,8 80 3,84 0,2 / 2 0,22 350 91
    Tama Henen 14 3,2 30 0,96 0 / 0  0.23 50 50
    Ghyia 71 15 60 9 0,8 / 10  0,21 600 66
    Hadahada 38 13,6 40 5,44 0 / 0  0,36 310 57
    Tirgit 41 14,5 50 7.3 0 / 0  0,35 690 94
    Tirgit jardins isolés 43 20,5 30 6,15 0 / 0  0,47 170 28
    Total In Gall
    410 138,4 34,8 48,2  7,6 / 52 0,33 2 612 54
    Zone d'Aboraq 98 20,2 20 4  4 / 10 0,20 - -
    Tchimouménène 11 2,1 - -  - 0,19 -

    *quartiers de jardins disparus, les chifrres sont estimés gràce au schéma de Bernus "Du sel et des dattes"


    La palmeraie d'In Gall

    Les jardins d'In Gall se dessinent le long de l'oued Tchin Akawaten, venant des reliefs d'In Kakan au sud-ouest de la ville et s'allongeant vers les plaines de l'Ighazer au nord-est. Cet oued (kori en haoussa) est l'un des derniers qui descend de l'extrémité ouest des falaises de Tiguidit vers la plaine. La palmeraie s'étend donc sur des terrains géologiquement très tourmentés, passant des grès aux argiles de différentes couleurs.

    Le bassin versant qui alimente le kori d'In Gall jusqu'aux jardins de Ghiya et Tirgit est d'environ 67 km². Si l'on considère une pluviométrie moyenne de 200 mm, cela représente une quantité d'eau totale d'environ 12 200 m3 venant par gros orages. Une grande partie de cette eau n'alimentera pas la nappe phréatique des jardins, ruisselant au-delà de Tirgit.

    La nappe phréatique n'a pas la même capacité tout au long du kori. Si elle semble avoir a peu près la même épaisseur, de 4 à 5 mètres, par contre son débit semble beaucoup plus important en amont qu'en aval, sans doute dû à une largeur de nappe beaucoup plus élevée en amont (de 300 à 400 mètres) qu'en aval (de 200 à 300 mètres de large). En amont elle est profonde, supérieure à 10 mètres, mais avec un débit suffisant pour le maraîchage (jusqu'à 5 buses de remplies par jour). En aval, elle est proche de la surface mais en quantité limitée ne permettant pas de recharger les puits à plus de 2 ou 3 buses par jour. Cette nappe n'en reste pas moins fragile et, même s'il y a de plus en plus de motopompes à In Gall, l'usage de cette technique d'exhaure devrait être limitée pour laisser la nappe se recharger.

    Hydrologie

    D'amont en aval, les quartiers de jardins sont : Ebrik, Senasserouf, Akalel, Tansamane, Korey Futu, Imusan, Bandan Ifirgan, Tama Henen, Ghyia, Hadahada et Tirgit. 363 jardins identifiables par une haie de Prosopis composent la palmeraie qui s'étend sur près de 5 km le long du kori. 43 autres jardins isolés se dispersent en aval de la palmeraie sur une distance équivalente. En 1975, 150 parcelles étaient recensées, ce qui représente une forte augmentation en 40 ans. Nous verrons plus loin que derrière cette augmentation se cachent diverses stratégies de réserve foncière et que toutes ces parcelles sont loin d'être utilisées.

    Surface et nombre de jardinsLa palmeraie a une surface totale de près de 120 hectares. La surface moyenne des jardins d'In Gall est de 3 300 m², ce qui est largement inférieur aux jardins de l'Aïr qui ont une surface moyenne de 1 hectare (2 hectares à Tabelott en Aïr), mais ces derniers ont des périodes de jachère qui ne sont pas pratiquées à In Gall, car la culture première est le dattier qui ne nécessite pas de rotation. Les quartiers anciens sont par ailleurs plus petits que cette moyenne, avec environ 2 000 m² de surface, ils sont aussi traditionnellement consacrés à la culture du dattier, excepté le cas d'Akalel qui, par suite de la baisse de la nappe phréatique, a perdu ses dattiers et se consacre désormais au maraîchage. En dehors d'In Gall les jardins sont aussi plus petits, environ 2 000 m², la difficulté ici est que les koris ont une petite nappe phréatique qui limite grandement les possiblités de cultures dans ces jardins, situation identique aux Monts Bagzanes qui ont une surface moyenne de 2 500 m².

    En 1907 Chudeau évalue rapidement la palmeraie à 4 000 dattiers. En 1929 le prince Sixte de Bourbon estime le nombre de dattiers à environ 2 000. Edmond Bernus cite dans son ouvrage sur les palmeraies de l'Aïr un chiffre de 1958 comptabilisant 10 083 dattiers à In Gall, ce qui apparaît largement surdimensionné. Il n'est pas improbable que les informateurs ayant rapportés ce chiffre aient exagéré leur patrimoine, de plus il est très fréquent à In Gall qu'un dattier appartienne à plusieurs personnes, ce qui évidemment apporte des doubles comptes. La surface des quartiers les plus anciens de la palmeraie est d'environ 71 ha (de Akalel à Ghiya) multipliée par la densité moyenne de dattiers dans les quartiers à grands dattiers soit 65 à l'hectare, nous donnerait un nombre de dattiers voisins de 4 615, ce qui doit être un maximum. En 1975 il était relevé 150 parcelles, soit une surface de 50 ha (avec 0.33 ha par jardin) d'ou un nombre de dattiers voisins de 3 250 toujours en valeur maximale, car il est difficile de se persuader que toutes les surfaces étaient exploitées avec une telle densité de dattiers et le chiffre moyen de 2 500 stipes pour la plameraie d'In Gall paraît des plus raisonnable. Sur la photo aérienne de 1954 de l'IGN, on relève que les dattiers sont concentrés sur Ghiya, Tama Henen, Korey Futu et la partie centrale de Akalel, soit une quinzaine d'hectare et moins de 1 000 stipes.

    Aujourd'hui la palmeraie compterait environ 2 600 dattiers, évaluation faite à partir des images satellites. Ces vues satellites nous permettent de préciser un ordre de grandeur sur les dattiers supérieurs à 5 mètres, environ 500 stipes, en forte régression ces 50 dernières années. En réponse à ces constats, les phoeniciculteurs ont planté d'autres dattiers sur d'autres terrains. La palmeraie est actuellement composée aux 3/4 de jeunes plantations contre la moitié en 1958 selon un rapport cité par E. Bernus.

    In Gall - IGN 1954 Quartier Imusan - Leroux 1956 In Gall - IGN 1983


    Les quartiers de jardins

    La palmeraie est découpée en quartier de jardins continus, qui ont pour la plupart des chefs : ceux-ci sont plus des personnages charismatiques qu'issus d'une décision commune. Ils possèdent aussi une ou plusieurs coopératives, reste des projets de développement qui obligent les jardiniers à une structuration à l'européenne, oubliant un peu les usages traditionnels. Toutefois, dans les années 90, une association avec la volonté de réunir tous les jardiniers, a été créée par de jeunes gens éduqués voulant promouvoir la sauvegarde de la palmeraie. Elle prit le nom de la datte référence pour les gens d'In Gall, Almadeina. Elle fait encore référence dans la petite ville pour avoir permis nombre de projets.

    L'ensemble des jardins est propriété des Issawaghen (tableau 1) même si quelques-uns appartiennent à des Arabes ou des Touareg qui néanmoins les font entretenir par les Issawaghen. Seuls les quartiers aux deux extrêmités de la palmeraie sont possédés par d'autres groupes, les Touareg Ighawellen pour Ebrik, et les Igdalen pour Tirgit.

    Ebrik

    Cet ensemble de jardin est l'un des plus petits, il est aussi récent (fin du 20ème siècle) et est propriété des habitants du quartier d'habitation du même nom à proximité. Ce sont des Ighawellen, Touaregs du groupement des Kel Fadey, qui se sont sédentarisés depuis les sécheresses des années 70 et n'ont pas une grande habitude du jardinage. Ces jardins sont plus une réserve foncière qu'une rente, mais marquent déjà un début de stratégie des nomades vis à vis des évolutions climatiques.

    5 hectares composent ce quartier, dont quelques-uns des jardins sont épars. L'ensemble de cette surface est très peu utilisée, notamment du fait que la ressource en eau y est assez profonde (10 à 15 mètres). Néanmoins, ils possèdent tous un puits, même si aucun moyen d'exhaure autre que les bras n'est disponible. Seuls trois jardins sont convenablement cultivés sur 1,7 hectare.

    Senasserouf

    Ce quartier de jardin date des années 50. On en repère les premiers tracés sur la photo aérienne de 1954. Son toponyme signale qu'il est pour des Isheriffen. 5 à 6 jardins sont bien entretenus pour le maraîchage. Il y a très peu de dattiers du fait de l'éloignement de la nappe phréatique, mais presque tous ces jardins ont un puit cimenté. Une partie de la production maraîchère est destinée au marché d'In Gall.

    Le jardin de l'agriculture

    Ce jardin de 4 ha est le plus grand que l'on trouve à In Gall. Faute de financement et de motivation de l'Etat pour l'entretenir, il est quasiment dépourvu d'activité ; seuls 25 dattiers sont plantés et ont du mal à croître. La densité de dattiers d'une partie cultivée de façon moderne, est de 40 stipes à l'hectare, légèrement inférieure aux parties de culture traditionnelle de 65 dattiers à l'hectare.

    AkalelLa palmeraie Bernus

    Il se situe entre le grand kori rive gauche et le petit kori. On distingue encore çà et là quelques restes de grands dattiers, signalant qu'il y en avait auparavant dans ces jardins. La nappe phréatique a nettement baissé et se trouve à environ 10 mètres de profondeur, ce qui reste une des causes principales de la disparition des dattiers. Une partie même de ces jardins au niveau du seuil a été ensablée ce qui participe également à l'abandon de plusieurs jardins. La partie aval de ce quartier retrouve des niveaux d'eau plus raisonnables (< à 5 mètres en saison des pluies), d'où la présence de jeunes dattiers qui sont de nouveau plantés, en gagnant du terrain sur le kori.

    C'est le plus vaste quartier en surface, on y pratique surtout le maraîchage avec notamment 15 jardins mis en culture chaque année, représentant environ 3 ha. Même si l'eau est profonde, elle est disponible en bonne quantité avec des moyens d'exhaure, essentiellement l'âne (il faut 3 à 4 ânes pour un jardin). Ce maraîchage alimente le marché local en légumes surtout de septembre à mars.

    Un seuil d'épandage en gabion, qui devait permettre à la nappe phréatique de mieux se recharger, a été achevé en 2000 par l'association Almadeina, malheureusement aucune amélioration dans la recharge de la nappe n'a été observée ! Pire, l'ouvrage, trop haut, a été contourné des deux côtés plusieurs années de suite par les déferlantes d'eaux, ensablant un peu plus des jardins. En 2010 les habitants ont retiré un niveau de gabion pour recentrer les déferlantes, ce qui semble avoir été opportun.

    Agajirbéré et Kouzara

    C'est sans doute l'un des quartiers les plus anciens d'In Gall. Agajirbéré est aujourd'hui en partie couvert d'habitations qui forment une extension du vieux village. Ce sont les propriétaires de ces jardins devenus improductifs sans doute par manque d'eau, qui construisirent des habitations plutôt que d'abandonner leurs parcelles. Kuzara est aujourd'hui complétement improductif, à cause de l'ensablement qui a déplacé le kori. Il était parsemé de grands dattiers et il en reste encore quelques traces çà et là. Aujourd'hui le sol y est très compacté et improductif. Les sécheresses des années 70, souvent citées comme ayant anéanti ces jardins, ne sont sûrement pas les seules responsables. En effet, l'ensablement et la mise à nu de terrain argileux contribuent tout aussi fortement à la "stérilisation" des quartiers de jardins. Une partie de Kuzara est aujourd'hui comprise dans Akalel.

    Korey Futu et Imusan

    Ce sont, selon les populations, les premiers quartiers de jardins d'In Gall. La partie la plus en amont, Korey Futu, au niveau du coude du kori, a été ensablée et il devient difficile d'y mener des cultures. La partie aval, Imusan, est en partie surélevée par rapport au kori, les grands dattiers ont donc du mal à atteindre la nappe d'eau. Les jardiniers entretiennent essentiellement des jeunes dattiers et quelques cultures maraîchères (courges, piment, etc.) destinées à la consommation familiale. Imusan signifie "eau mauvaise" car autrefois ces lieux étaient touchés par "l'eau pourrie", une eau sans doute salée ou natronée qui semble avoir rendu la production de dattiers impossible. Depuis 15 ans la zone semble de nouveau favorable au développement des dattiers.
    Dans la partie de Korey Futu on peut noter la présence d'un jardin qui est en dessous du niveau du kori, fait remarquable qui permet de matérialiser l'ensablement de cette partie de la palmeraie. Ce fait nous rappelle également que tout au long des siècles les sables s'accumulent dans le kori, et on doit imaginer qu'il y a 5 ou 6 siècles, à la plantation des premiers dattiers, il y avait vraisemblablement une dynamique d'occupation des berges et d'écoulement très différente d'aujourd'hui.

    Korey Futu et Imusan ont des surfaces moyennes de jardins élevées, ce qui ne correspond pas avec les caractéristiques des quartiers anciens dont le surface moyenne est réduite. Ceci peut s'expliquer par le fait que ces jardins ont eu de forts remaniements dans leur structure foncière et au niveau des propriétaires.

    Entre les quartiers Imusan et Agajirbéré, on note une zone dénommée Matemateo, que l'on voit mentionnée dans les dessins de Suzanne et Edmond Bernus.

    Tansamane

    On y pratique surtout du maraîchage entre des jeunes plantations de dattiers. La partie proche du kori possédait encore de grands dattiers au début des années 2000 mais, là encore, le kori et son seuil d'épandage dirigèrent les flots sur cette partie rive droite de Tansamane, emportant encore un peu plus les jardins. Tardivement, des berges de gabions ont été construites, le seuil rabaissé, répartissant la fougue de l'oued sur plus de largeur. 

    En 1970, Edmond Bernus note que ce quartier est implanté sur les 2 rives du grand kori. En 1954 la rive droite est une zone d'épanchement du kori et on remarque qu'il y a quelques jardins au milieu de ce kori et sur la rive gauche. Il est donc trés probable que ce quartier fut à l'origine sur la rive gauche, l'ensablement obligeant les jardiniers à s'installer sur la rive droite. Vers 1980 de grandes crues ont arraché une partie des jardins rive droite, qui sont aujourd'hui reconquit sur le kori, et qui furent de nouveau menacés après la construction du seuil d'épandage en amont, puis finalement protégés par des gabions.

    De plus, on constate actuellement que le petit kori venant d'Awalawel semble se renforcer d'année en année. La construction de la route bitumée avait considérablement réduit le flot de ce petit kori, mais il semble que 30 ans après ce dernier se renforce, ce qui nécessitera prochainement des aménagements de gabions pour protéger les jardins.

    Une partie de ce quartier est de nouveau sur la rive gauche, le long des quartiers Imusan et Korey Futu repenant ainsi les us antérieurs sur le positionnement de ce quartier. Tanssamane redéveloppe des jardins avec de jeunes plantations, peut être en relation avec l'arrêt de l'ensablement de cette rive et un kori mieux maîtrisé, si cela est possible !

    Bandan Ifirgan

    Avec Ghyia, ce quartier possède le plus grand nombre de dattiers dépassant les 5 mètres. Le couvert végétal y est même très dense, voire trop dense pour y mener des activités maraîchères. De nouvelles plantations de jeunes dattiers gagnent encore sur le kori. Ce quartier est investit dans les années 60 ou 50. Il gagne continuellment des m² sur le kori repoussant ce dernier vers le village. C'est la plus forte densité de dattiers que l'on trouve à In Gall, sur des parcelles qui sont petites (environ 2 000 m²). Il a ainsi toutes les caractéristiques d'un quartier de jardins qui serait très ancien, bien que les jardiniers ne le considère pas comme tel.

    On retrouve également comme à Tanssamane une partie de ce quartier qui correspond à des anciens jardins de Tama Henen sur la rive opposée. On peut ainsi supposer qu'au fil des siècles les mêmes phénomènes de création-disparition des jardins se sont produits au grès des vicissitudes du kori. Les photos aériennes de 1954 peuvent suggérer qu'une partie de ces jardins originaux aient été emportée par une crue, car il restait dans le kori quelques dattiers. En 1980 une partie de ce quartier a disparu et depuis, les jardiniers regagnent quelques mètres sur le kori.

    Tama Henen

    Ce quartier est complétement envahi par le Prosopis et "l'eau pourrie" qui arrive de Imusan, se déplaçant donc lentement le long de la rive gauche du kori. Quelques grands dattiers résistent, presque aucune culture ne subsiste, sauf du coté de la route où les jardins gagnent récemment du terrain sur le kori. C'est un des plus vieux quartiers de jardins qui semblaient encore vivace dans les années 80. Aujourd'hui un regain d'activité semble se dessiner dans les jardins proches de la route.

    Ghiya

    Ghyia est le quartier qui possède le plus de dattiers. L'eau y est très peu profonde surtout en saison des pluies où elle affleure presque. Peu de culture maraîchère y sont développées, le dattier accaparant toute l'attention du jardinier, car un jardin avec une dizaine de dattiers produit un revenu annuel suffisant pour toute une famille. Très peu de moyens d'exhaure sont présents dans ce quartier où l'eau affleure, surtout dans sa partie ancienne.

    Dans les années 80 le quartier s'est étendu vers le nord où la nappe d'eau rend beaucoup moins puis, également vers le sud avec de nouveaux jardins qui se sont installés à la faveur de l'ensablement de cette rive, et offrant un bon débit d'eau à quelques mètres de profondeur. Deux seuils d'épandage construits par l'Etat nigérien ont été réalisés en ciment en 2004 en aval de ce quartier, mais cela ne semble pas très efficace.

    Hadahada

    Ce quartier s'est développé sur la rive opposée de Ghiya, il a émergé dans les années 60-70 sur une partie située quelques mètres plus haut que le kori. Il possède de grands dattiers avec une densité assez moyenne. En aval sur cette rive droite, de grands jardins avec d'importantes plantations de dattiers se développent ces dernières années. Notons qu'en 2003 l'association Almadeina a mené un projet de plantation de 2000 dattiers dont une partie se trouve ici. En amont de ce quartier, les jardiniers gagnent encore sur le kori, réduisant fortement sa largeur et accélérant d'autant les écoulements orageux et les dégradations qui vont avec.

    Tirgit

    Ce quartier porte le nom du village à proximité dont sont issus les propriétaires. Il se situe sur les 2 rives, même si la rive droite est la plus développée. Ce sont des Igdalen, en partie sédentarisés depuis les années 80, qui ont surtout développé des plantations de dattiers. Ces plantations sont très rectilignes et très denses, ce qui dénote une volonté d'exploitation industrielle du dattier. La densité de dattiers y est d'ailleurs la plus élevée de la palmeraie. Ce quartier semble aujourd'hui très dynamique, essentiellement en raison de la proximité de la nappe phréatique.

    Plus en aval, des jardins isolés sont délimités, même si ces derniers apparaissent plutôt comme des réserves foncières, ils représentent quand même une surface de 18 ha, où le dattier est aussi présent.


    L'économie des jardins

    Posséder un dattier à In Gall est la certitude d’un revenu annualisé loin d’être anecdotique, surtout si celui-ci est en âge de produire une récolte. En effet un très bon dattier peut fournir à lui seul 10 cartons de 15 kg de dattes soit 150 kg. Un dattier peut apporter de nos jours 100 000 Fcfa à son propriétaire (environ 1 €/kg). Ainsi une dizaine de grands dattiers peut suffire à subvenir aux besoins d'une famille. Les 500 grands dattiers de la palmeraie pourraient ainsi rapporter de 50 000 à 75 000 € à la petite ville, soit 35 à 50 millions de Fcfa.

    Le maraîchage se développe mais son facteur limitant est le marché. La présence d'administrations en nombre permet de trouver un exutoire intéressant, les fonctionnaires ayant des revenus stables tout au long de l'année. De même les habitudes alimentaires ont besoin d'évoluer pour consommer un peu plus de produits frais. Si les jeunes sont plutôt friands de légumes, il n'en est pas de même des anciens pour lesquels la pâte de mil est toujours un régal ! Ainsi l'eau et le marché sont les deux facteurs limitant des productions maraîchères à In Gall ; certains l'ont bien comprit, développant ces activités lorsque les prix sont hauts, ou exportant leur production sur Agadez.

    La période de culture maraîchère s'étend de septembre à mars. On recense une cinquantaine  de jardins/jardiniers qui cultivent des légumes et des condiments, sur une surface d'environ 7,6 hectares, soit 1 500 m² par jardin-jardinier en moyenne. Les jardins les plus structurés cultivent toute leur surface et irriguent avec un exhaure animal, généralement l'âne et seulement dans le quartier Akalel. Même s'il y a de plus en plus de motopompes, leur usage est plutôt à limiter compte tenu de la fragilité de la nappe phréatique. L'exhaure est donc le plus souvent manuel avec une puisette, ce qui rend le travail pénible et demande une grande assiduité. Les surfaces mises en culture chaque année dépendent de la quantité d'eau tombée en saison des pluies. Ainsi les jardiniers savent très bien faire l'adéquation entre la quantité d'eau disponible et la surface qu'il est possible de mettre en culture chaque année.

    Enfin parmi les dattiers, certains y parsèment quelques condiments généralement destinés à l'usage familial - une agriculture vivrière qui n'est pas anodine - On y retrouve également des plantes à vocation médicinale comme le Moringa, mais aussi et surtout des oignons.


    Esquisse historique

    Ce seraient des Isheriffen qui plantèrent les premiers dattiers à In Gall au début du XVIè siècle, puisque la tradition orale rapporte toujours que la terre d'In Gall a été achetée au Sultan d'Agadez, et se mirent ainsi sous sa protection. A la suite de la destruction d'Azelik, les groupes Imesdraghen et Inussufan non soumis se mixèrent peu à peu avec les Isheriffen et les Inemegrawen venus de la brousse, formant ainsi la communauté des Issawaghen. Les quartiers de jardins ont encore gardé une trace de ces groupements, même si les limites sont de moins en moins marquées du fait des mariages et des héritages au sein de cette communauté.

    Les Isheriffen sont présents dans plusieurs quartiers anciens comme Akalel, Banda Ifirgan, Tama Henen. La répartition des groupes Issawaghen est assez précise, même si les mariages l'effacent peu à peu :
    - les Inussufan possèdent les quartiers les plus excentrés Akalel, Ghyia et Hadahada,
    - les Inemegrawen possèdent ceux au sud du village Agajir béré, Kuzara et Tanssamane,
    - les Imesdraghen possèdent ceux à l'est Korey Futu, Imusan, Bandan Ifirgan et Tama Henen.

    Tous ces quartiers de jardins ont des caractéristiques voisines : une superficie moyenne basse - autour de 0,2 hectare - et une densité de dattiers importante, exception faite d'Akalel dont on a noté la perte de ses grands dattiers. Ils forment bien le cœur ancestral de la palmeraie sans qu'il soit aisé d'en différencier la chronologie.
    On peut toutefois présumer que les Imesdraghen étaient privilégiés car ayant les terrains les plus proches du village. Tandis que les Inussufan furent cantonnés aux quartiers périphériques. Enfin les Inemegrawen, qui venaient de brousse étaient vraisemblablement "stationnés" dans le quartier d'habitation du même nom, Agajir béré, et devaient avoir à l'origine des activités proches de celles des nomades, occupant une sorte de caravansérail près du village. Ils développèrent ainsi leurs jardins à proximité, mais sans doute de façon plus tardive que les Imesdraghen.

    Le XXè siècle allait marquer une forte évolution de la palmeraie en lien bien entendu avec le développement du village, la colonisation, les sécheresses et l'indépendance du Niger, par la formation de nouveaux quartiers de jardins.


    Les jardins externes à la ville

    Quartiers

    Surface totale (ha)

    % d'utilisation

    Surface utilisée (ha)

    nbr de jardin

    surface moyenne (ha)

    Aboraq 20,2 20 4 98 0,20
    Inabizguine 2,7 20 0,7 23 0,12
    Tchimouménène 2,1 - - 11 0,19

    Aborak-Kernèche

    A environ une dizaine de kilomètres d'In Gall au sud-est, des jardins s'étendent le long de l'oued issu du plateau gréseux de Togoshia, reste de falaise de Tiguidit à l'ouest de la route goudronnée. Deux branches amorcent ce kori au niveau de la route, qui se rejoignent avant les villages d'Aboraq et de Kernèche, distants d'environ 1km, composés de 17 et 10 constructions en banco. Les Igdalen et les Ibuctutane y sont les résidants principaux, ce sont des semi-nomades dont une partie se sédentarise ici, notamment lors des sécheresses.

    On recense 98 jardins bien délimités qui composent un chapelet, avec une surface qui vaut bien un quartier de jardins d'In Gall. Une trentaine de jardins sont régulièrement travaillés sur environ 4 hectares. Le plus souvent ils sont regroupés autour de quelques zones plus favorables. La faible profondeur de la nappe phréatique autour de l'oued fait que son débit est faible d'ou la nécessité pour les jardiniers de faire plusieurs puisards au sein d'un même jardin. Les cultures qui y sont pratiquées sont surtout les courges, melons et pastèques. Ces cultures sont commercialisées sur les marchés d'In Gall et même d'Agadez. Les jardins peuvent très rapidement évoluer d'une année à l'autre, voire complétement disparaître à la suite d'un oued ravageur qui redessine régulièrement les parcelles. Ainsi nombre de jardins on déjà disparus pour se former ailleurs, mais rien ne dit qu'ils ne réapparaîtront pas un jour. De plus, les années ou la pluviométrie sera très bonne, ces jardins seront peu ou pas cultivés, indiquant bien le rôle de repli de ces jardins lors des sécheresses, les pasteurs nomades y trouvant ainsi leur subsistance.

    Une trentaine de constructions, une quarantaine de jardins actifs, une quarantaine de jardins inactifs, l'équation est tentante d'y voir un jardin productif et un en réserve foncière pour chaque construction. Même si cela n'est pas faux, la réalité est sans doute un peu plus complexe. Néanmoins la tendance à la sédentarisation est nette : en 2000 ce village ne comptait que quelques constructions en banco.

    Inabizguine

    Petit village composé de 5 constructions et une vingtaine de jardins près de l'ancienne route d'Agadez, au pied de la montagne Awalawel. Très peu de jardins sont exploités régulièrement. Ce sont des Igdalen de Tirgit qui à la suite de l'élection d'un nouveau chef de village ont marqué leur désaccord en allant s'installer en ces lieux peu favorables, au début des années 2000.

    Tchimouménène

    En 2000 il y a avait trois jardins délimités au niveau du village de Tchimouménène, près de l'école. On y trouvait quelques pieds de tomates et autres courges, cultures qui avaient été initiées par des programmes d'aide alimentaire, en relation avec la présence de l'école. Ils ont été vraisemblablement emportés par un oued d'hivernage, car on n'observe presque aucune haie ou clôture les protégeant des animaux divaguant.

    En aval de la route de Tegidda n'Tessoumt, sur la rive gauche, on trouve un campement occupé par trois tentes en nattes typiques des Kel Fadey et 2 constructions en banco. A proximité deux jardins sont délimités sur 1 200 m². Si on y observe au moins un puisard, il est probable que ces jardins servent surtout d'enclos. Sur la rive opposée se développe une extension du village de Tchimouménène à l'écart de l'école et de l'autre côté de l'ancienne route. Plus en aval sur la rive droite, 6 jardins sont délimités avant que l'oued ne devienne un delta avec ses divagations, qui empêchent de nouvelles implantations de jardins.

    Ces jardins ont plus une fonction de repli en cas de grande sécheresse comme à Aborak, avec les mêmes cultures même si elles sont beaucoup moins développées ici. Actuellement ils ont surtout une fonction d'enclos pour les animaux. Les Kel Fadey Imajeghen, dont une partie de la famille de l'Aménokal se situe dans ce village, ont très peu d'habitude de sédentarisation et encore moins de culture de la terre, au contraire des Igdalen d'Aborak ou de Tirgit.


    Le déplacement de la palmeraie ... et les usages de la terre

    Si l'on enlève les 18 ha de jardins isolés à l'aval de la palmeraie, la surface totale de terre potentiellement cultivable serait d'environ 120 hectares. Néanmoins, ces surfaces ne sont pas utilisées de la même façon au sein de la palmeraie d'In Gall, eu égard aux conditions hydrologiques locales. D'amont en aval de la palmeraie, la nappe phréatique se rapproche de la surface et ainsi favorise la culture du dattier qui a besoin d'être les pieds dans l'eau. Les activités maraîchères se développent donc plutôt en amont où l'eau est profonde (> à 10 mètres) mais disponible en assez grande quantité pour cette activité. Alors qu'en aval, même si l'eau est proche de la surface, elle n'est pas présente en grande quantité et limitera les activités maraîchères.

    La culture des dattiers tend donc à se développer plus facilement en aval du village, ou l'arrosage n'est pas nécessaire lorsque les dattiers sont grands. Mais les phoeniciculteurs d'In Gall résistent et on appris à arroser leur dattier. Ainsi de jeunes plantations se développent dans les quartiers historiques qui paraissent reprendre de la vigeur, peut être gràce à un cours d'eau mieux sécurisé. Egalement de grandes plantations se développent dans les quartiers de Hadahada et Tirgit selon un modèle plus industriel.

    A l'évidence il y a plus de jardins que de jardiniers à In Gall, dont beaucoup ne sont que des réserves foncières qui ont plusieurs buts. D'abord les vissicitudes du kori nécessitent de ne pas mettre tous ces oeufs dans le même panier. Si le kori emporte votre jardin, il vous faut avoir une alternative disponible. Ensuite la gestion de la famille et des héritages qui nécessite de pouvoir être en mesure de contenter tous les enfants de façon satisfaisante et ainsi asseoir sa retraite !

    Les surfaces moyennes des jardins sont très petites par rapport aux jardins de l'Aïr. Cela s'explique évidemment par la disponibilité de la ressource en eau et l'étendue de la nappe phréatique, mais aussi par la culture privilégiée du dattier avant toutes autres cultures. Sur ces jardins, seulement une quarantaine d'hectares seraient utilisés en phoeniciculture (de Tansamane à Tirgit), et tout au plus 7 hectares en maraîchage à vocation commerciale. On notera également que beaucoup d'autres jardins, environ 4 ha, ont une activité maraîchère de type vivrière sur des surfaces extrêment réduites.

    Le foncier bâti devenant rare, notamment pour les gens d'In Gall, il y a une tendance à délimiter des jardins qui sont en fait une opportunité pour construire une habitation, comme dans l'ancien quartier Kuzara ou sur les rives droites du kori, généralement dépouvrues d'habitation. Ceci visant à éviter les règles administratives.

    A chaque saison des pluies la dynamique d'écoulement de l'oued est différente. Ainsi au fil des ans des parties de jardins sont arasées par l'oued sur une rive, laissant une autre partie libre sur la rive opposée. Les jardiniers profitent alors pour agrandir leur jardin au détriment de l'oued qui ne peut plus s'épandre, ce qui limite l'infiltration des eaux par une vitesse d'écoulement supérieure. Si, à In Gall la dynamique du kori est relativement stable d'une année sur l'autre, ce n'est pas le cas sur les koris d'Aborak et de Tchimouménène en redécoupage permanent.

    Aux abords de la palmeraie, des stratégies de pré sédentarisation des nomades se mettent en place avec la délimitation de jardins, souvent isolés le long d'un petit kori. Cela permet aux pasteurs nomades d'avoir quelques moyens de subsistance lors des grandes sécheresses, par une culture originale de cucurbitacées (courges, pastèques, melons, etc.). Cette tendance se renforce continuellement et le développement de petits villages en banco en lieu et place des tentes, en est un indice flagrant.


    Références

    Abric S. 2000 – Potentialités hydro-agricoles de la vallée de l’Aïr, AFVP.
    Bernus E. 1972 – Les palmeraies de l’Aïr, Revue de l’Occident musulman et de la Méditerranée, (11), p. 37‑50.
    Bernus E. 1979 – Les jardins d’Azelik, in Programme archéologique d'urgence In Gall-Tegidda N Tesemt, p. 107‑115.
    Bernus E. 2004 – Des nappes à tous les étages, Revue de géographie alpine, (92‑1), p. 7‑16.
    Bernus E., Bernus S. 1972 – Du sel et des dattes : introduction à l’étude de la communauté d’In Gall et de Tegidda-n-tesemt, IRSH, Etudes Nigériennes 31, 130 p.
    Bruneau de Miré P., Gillet H. 1956 – Contribution à l’étude de la Flore du Massif de l’Aïr, Journal d’agriculture traditionnelle et de botanique appliquée, (3-5‑6), p. 221‑247.
    Luxureau A. 2005 – Les produits de terroir au Niger : identité et changement social, in Ressources vivrières et choix alimentaires dans le bassin du lac Tchad, p. 772.


    Les jardins

    Le jarin d'Ibrahim et Laurent